Introduite dès 2005, la tarification à l’activité n’en finit pas de faire couler de l’encre. Les professionnels de santé ont du mal à avoir un avis tranché sur le sujet et, s’ils ne demandent pas à revenir à la dotation globale, ils n’ont pas non plus hâte que la convergence tarifaire entre les secteurs public et privé soit décidée. « J’étais peut-être un peu naïf mais j’y croyais », explique le Dr Abdelkrim Gacem, chef du pôle cardio-vasculaire, thoracique et maladies métaboliques du centre hospitalier de Cholet. Il poursuit : « La loi nous a donné la possibilité de travailler comme les cliniques, à savoir vivre de nos recettes en étant le plus efficient possible tout en dégageant un peu de bénéfice. » Sur le papier, il y avait de quoi être satisfait. Sauf que « la règle du jeu change toujours. Si le CH de Cholet a gagné un peu de sous la première année avec ce système, le prix d’hospitalisation a baissé l’année suivante, ce qui a eu pour effet de nous mettre en déficit malgré la hausse d’activité ». Une aberration pour ce PH. De même que pour Olivier Le Vavasseur, chef du pôle cardiologie de l’hôpital Nord-Ouest à Villefranche-sur-Saône qui fustige : « On ne parle plus que d’argent. À chaque fois que l’on fait quelque chose, un business plan est mis en place, avec des engagements sur des volumes annuels de malades ou sur un nombre de nuits passées à l’hôpital. »
Si les médecins ont tendance à être un peu amers, les directeurs d’hôpital font plutôt contre mauvaise fortune bon cœur. Ainsi, Denis Martin, directeur du centre hospitalier de Cholet estime que « grâce la T2A, les médecins ont intégré la logique économique à leur démarche de soin, un vrai dialogue ente la direction et le monde médical s’est instauré ». Considérant que l’existence d’un secteur public et d’un secteur privé dans le paysage hospitalier français favorise une « saine émulation », il ajoute que « la convergence tarifaire envisagée entre les deux secteurs est une bonne chose, à condition qu’elle aille de pair avec une convergence de missions et de contraintes ».
Un cocktail de financement
Reste que tout est loin d’être réglé et que le prochain gouvernement, s’il veut poursuivre cette réforme de la tarification, aura à régler certaines difficultés. André Fritz, directeur du CHU de Rennes, résume : « On est aujourd’hui dans un cocktail entre la T2A, les missions d’intérêt général (Mig), les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (Merri) – notamment dans un CHU comme le nôtre. Il y a une volatilité des modes de financement et un manque de lisibilité. Nous aurions besoin d’un système plus simple, qui permettrait une politique de programmation pluriannuelle ». Un système qui prenne, qui plus est, mieux en compte certaines missions. Marie-France Girerd, cadre de santé à Villefranche-sur-Saône, estime ainsi que depuis la mise en place de la T2A, « il y a de moins en moins de place pour l’urgence. » « Nous sommes confrontés à des difficultés pour accomplir notre mission de service public », se lamente-t-elle, précisant que ce sont les infirmières et aides-soignantes « qui prennent sur elles et qui n’ont pas d’horaires ». Pour ces professionnels, il ne fait donc aucun doute que ce mode de rémunération devra être revu. Ainsi, le Pr Alain Leguerrier, PU-PH au CHU de Rennes, souligne également que la tarification à l’activité « ne tient pas compte de tous les profils de situations et pénalise le public ». De même, « elle n’encourage pas suffisamment les services les plus actifs ». Et de plaider pour la création d’un intéressement, « non pas individuel mais en termes d’équipements, pour que les équipes les plus performantes soient motivées et soient en mesure de développer leur activité ». Une idée qui répond à la problématique de l’investissement : dès lors que les fixations de tarifs diffèrent d’une année sur l’autre, il est difficile de mener une politique de long terme.
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