La maman se porte bien et le bébé aussi. C'est ce qui compte, mais on ne l'aurait pas parié. Samedi dernier, une femme, à sept mois et demi de sa grossesse, a appelé le SAMU de Châteauroux (Indre).
Lorsque l'ambulance est arrivée, la maman venait de perdre les eaux et les contractions étaient très rapprochées, à 30 secondes d'intervalle environ. « La mère était intransportable, la brancarder aurait provoqué l'accouchement de toute façon, voire des complications », se souvient Richard Gonin, l'ambulancier. On a donc allongé la maman dans son lit pour l'accoucher sur place. Deuxième vent de panique : les pieds arrivent les premiers, annonçant un accouchement par le siège... et par le téléphone. Ce type d'accouchement requiert une manuvre bien particulière, dite « de Mauriceau ».
En principe, seule une sage-femme ou un médecin peut l'accomplir. Dans l'urgence, à bas les principes. Le médecin régulateur, celui qui avait envoyé l'équipe sur place, a guidé les gestes de l'ambulancier. « Ma collègue me collait le téléphone sur l'oreille pendant que je me débrouillais avec le bébé dans les mains », témoigne Richard Gonin.
Eviter le geste qui tue
Afin d'éviter le geste qui tue, celui qui aurait consisté à tirer l'enfant par les pieds en risquant de faire basculer sa tête en arrière, l'ambulancier, sur les instructions du Dr Louis Soulat, le médecin régulateur, a placé un doigt dans la bouche du bébé, permettant le passage de la tête. Le médecin s'est rendu sur place à bord d'un hélicoptère, dans lequel la maman a ensuite été ramenée. Le bébé a, quant à lui, été transporté à l'hôpital par la route, placé en incubateur.
Le Dr Soulat refuse les louanges. « Ce n'est pas un exploit, se défend-il, si on le place dans le contexte. Réagir aux urgences vitales, ça fait partie de notre quotidien. La régularisation du SAMU, c'est être capable de faire les gestes sur place. Et c'est tout l'intérêt de travailler en complémentarité : l'ambulancier a parfaitement réagi. »
Un heureux événement
Sauver une vie : pour Richard Gonin, l'« aventure » de ce week-end couronne une profession qui travaille dans l'ombre. « Trop souvent, on tire sur nous à boulets rouges », confie l'ambulancier. « Pourtant, quand ça marche, ça marche. Comme les pompiers, nous sommes capables de grandes choses, nous aussi. »
Le Dr Philippe Menthonex, chef de service du SAMU 38, souligne le professionalisme des deux partenaires, réunis à 50 kilomètres l'un de l'autre, et leur « stabilité émotionelle ». « Le métier de médecin régulateur ne s'improvise pas, il s'apprend chaque jour. D'où l'intérêt des formations médicales continues. Ce sont des gestes simples, de la pure mécanique obstétricale. Il suffit alors de les connaître et de savoir les expliquer au téléphone. »
Pour le Dr Marc Giroud, président de SAMU France, il s'agit d'un heureux événement, à tous égards. « Finalement, ce médecin a fait son travail, rien que son travail, mais de façon remarquable. Mais c'est un exemple parmi d'autres, même si cette affaire est forcément plus spectaculaire médiatiquement parce qu'il n'y a rien de plus beau que de sauver un enfant. » Conseiller des gestes, à quelqu'un qui ne sait pas, fait partie de la panoplie de la médecine de régulation. Pour le Dr Giroud, « la capacité de la médecine d'urgence est un progrès, sa spécialisation doit l'achever ».
Finalement, la maman a bénéficié pour ce second enfant d'un accouchement à domicile, comme au bon vieux temps. Mais sa vie et celle de sa petite fille n'auraient probablement pas été sauvées sans la transmission téléphonique et la bonne collaboration entre urgentistes.
Vraie et fausse rétention de tête dernière
Au cours de l'accouchement par le siège, la complication la plus dramatique se nomme « rétention de tête dernière ». En pratique, précise le Dr Michel Benchimol, qui exerce à la maternité de l'hôpital Jean-Verdier de Bondy (93), on en décrit deux types. La vraie rétention, où la tête reste bloquée au-dessus du détroit supérieur ; la fausse, où elle ne peut franchir le périnée.
Le problème rencontré par l'ambulancier de la région de Châteauroux relève très probablement du second processus. La tête est restée bloquée sur un périnée peut-être trop tonique. Dans cette situation, il peut suffire de mettre un doigt dans la bouche de l'enfant pour fléchir la tête en abaissant le menton.
Si la patiente avait eu le temps d'arriver en maternité avant d'accoucher, elle aurait été conduite au bloc, aurait subi une épisiotomie systématique. Pour parer à toute éventualité, un forceps aurait été à portée de main et l'équipe aurait été réunie, prête à une césarienne.
Souvent fatale pour le ftus, la vraie rétention de tête dernière justifie des manuvres bien plus invasives. Elle se solde le plus souvent par le décès de l'enfant à naître.
Vis-à-vis de l'accouchement par le siège, les attitudes varient en France. Avec davantage de césariennes dans le Sud (Marseille, Lyon) que dans le Nord (Paris, Lille). Une enquête nationale multicentrique d'observation a d'ailleurs été lancée afin d'évaluer la meilleure attitude : tentative de voie basse ou césarienne systématique.
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