Une mère a perdu vendredi l'enfant qu'elle portait, mort in utero, alors qu'elle devait accoucher la veille à la maternité Port-Royal, à Paris. Selon les informations du « Parisien », elle avait été renvoyée chez elle, faute de place dans l'établissement. Le père de l'enfant a mis en cause la maternité et devait porter plainte ce dimanche.
Dans un communiqué publié ce même jour, l'AP-HP a annoncé l'ouverture d'une enquête médicale et administrative exceptionnelle afin de déterminer « pour quelles raisons cette femme a été renvoyée à son domicile, s'il y avait un manque de lits à Port-Royal et pourquoi la patiente n'a pas été transférée dans un autre hôpital ». L'AP-HP a également déclaré qu'elle s'associait « pleinement à la douleur de la famille et au désarroi des personnels ». Un soutien psychologique sera proposé à ces derniers. Les résultats de l'enquête sont attendus d'ici un mois.
Invitée sur le plateau de France 5, dimanche, la ministre de la Santé, a affirmé qu'elle veillerait à ce que la vérité soit faite sur cet incident dramatique. Marisol Touraine a indiqué avoir « été en contact avec la famille, en l'occurrence le papa ». « Je lui ai dit qu'il fallait faire évidemment la lumière sur ce qui avait pu se passer », a-t-elle rapporté. Mais « une enquête complète » prend « du temps », a déclaré la ministre, qui a indiqué avoir également « demandé une étude rapide, très rapide, qui ait lieu demain [lundi], en 24 heures, 48 heures, entre les hôpitaux de Paris, l'Agence régionale de santé, et qui nous permette de comprendre ce qui s'est passé, vraiment ». Le Parquet a également ouvert une enquête préliminaire.
Une maternité saturée
Selon le récit publié par « Le Parisien », la mère était déjà venue le mardi et le jeudi pour examen et déclenchement de l’accouchement. Elle avait alerté la maternité expliquant que le bébé ne bougeait pas beaucoup et se plaignant de douleurs au côté gauche. La veille de l'accident, elle devait se présenter à 7h00 à la maternité mais le rendez-vous avait été reporté à 11h00 une première fois, puis une seconde fois, « parce qu'il n'y avait plus de chambre disponible », raconte son compagnon au « Parisien ».
Le couple se présentera finalement plusieurs heures plus tard aux urgences de Port-Royal, avant d'être une nouvelle fois renvoyé à leur domicile par une sage-femme visiblement débordée, et sans pouvoir être redirigé vers une autre maternité. Dans la nuit de jeudi à vendredi, ils se rendent à nouveau aux urgences. Le personnel constate alors la mort in utero du bébé.
Le système mis en cause
Dominique Cabrol, gynécologue de la maternité Port-Royal, un établissement flambant neuf et réputé, reconnaît dans les colonnes du quotidien que la maternité était « en saturation totale » jeudi. Sans attendre les résultats de l'enquête, lIan Brossat, président du groupe PCF-PG au Conseil de Paris, a estimé que cet incident était la conséquence désastreuse des « suppressions de postes massives et des restructurations en rafale que l'AP-HP a subies ces dernières années ».
Selon le président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens, Jean Marty, la situation illustre « le dévoiement » du plan périnatalité et de la classification des maternités en trois types, allant de la prise en charge des grossesses normales à la prise en charge de celles à haut risque et des nouveau-nés présentant des détresses graves. Cette classification, scellée par un décret de 1998, a « abouti au discrédit des maternités qui n'étaient pas de niveau élevé », estime Jean Marty. « Les gens ont pensé qu'ils étaient plus en sécurité dans les maternités de type III et donc on a eu un engorgement de ces établissements, avec, dans le même temps, la volonté de l'administration de fermer les maternités privées de type I pour récupérer ce volume économique », a-t-il déclaré à l'AFP.
La maternité Cochin-Port-Royal, de type III et qui dispose d'unités obstétriques, de néonatalogie et de réanimation néonatale, a enregistré 5 000 naissances en 2012. « On voit le résultat aujourd'hui, avec le refoulement d'accouchements qui devraient se faire en maternité de type III. Ce n'est pas une défaillance humaine, c'est un problème structurel, et tant qu'on n'imposera pas ce qui peut se faire en toute sécurité au plus près, dans la personnalisation, dans les établissements de type I, on aura ce genre de problème », assure le Dr Marty.
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