L'AVENANT à la convention sur l'accès à la psychiatrie devrait être enfin bouclé après-demain, le 14 décembre, avec neuf mois de retard sur le calendrier initial. Les partenaires conventionnels ont décidé, lors de leur premier round de négociation, de tailler un mode d'emploi sur mesure à la psychiatrie. Fin 2004, ils avaient provisoirement convenu que les patients pourraient continuer à consulter les psychiatres, neurologues et neuro-psychiatres directement et sans pénalité financière, dans le cadre d'un « accès spécifique » global, par dérogation au dispositif du médecin traitant. Mais les syndicats médicaux signataires de la convention comptaient bien revenir dessus, au motif que la psychiatrie est « une spécialité comme une autre » et que, par conséquent, elle devait bénéficier de dépassements autorisés (DA) hors parcours de soins, au moins sur certains actes. C'est maintenant chose faite. Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) s'était défaussée au printemps dans ce dossier, le rapport d'expertise des Prs Marie-Christine Hardy-Baylé et Laurent Schmitt servira de base à un compromis. Les deux experts restreignent en effet l'accès spécifique à une catégorie de patients, les jeunes de 16 à 25 ans (« le Quotidien » du 5 décembre), au motif qu' « une coordination avec le médecin traitant reste souvent très artificielle,, voire peut-être inopportune » pour cette population. Ils rappellent la « vulnérabilité » des patients de cette tranche d'âge aux « conduites suicidaires », aux « risques d'apparition de maladies schizophréniques, de troubles bipolaires, de transition entre des addictions récréatives et des conduites de dépendance structurée ».
Modalités spécifiques.
Au-delà de 25 ans, les patients devront se conformer au parcours de soins coordonnés habituel, avec toutefois des « modalités de mise en œuvre spécifiques », soulignent les Prs Hardy-Baylé et Schmitt. Afin de tenir compte des « particularités de la psychiatrie », les deux experts suggèrent que l'avis de consultant puisse recouvrir non pas une consultation unique (tarifée 2,5 C, soit 50 euros) dans un délai de six mois, mais « deux à trois consultations » assimilées à « une séquence de soins à part entière ». Dans cette spécialité, expliquent-ils, « cet acte peut concerner des patients refusant les soins ou méconnaissant tout ou partie de leurs difficultés ». Quant à la coordination avec le médecin traitant, elle nécessite des « accords de bon usage » pour formaliser les échanges d'informations et respecter la confidentialité de celles-ci. Les experts préconisent, « en l'absence de référentiels disponibles », d'autres accords de bon usage en vue de « mieux formaliser les situations devant relever d'un adressage au spécialiste ». Ils font remarquer qu'un médecin traitant assumant seul à tort la prise en charge peut susciter la « chronicisation des troubles » de son patient et « une prescription intempestive au long cours ». Enfin, le rapport d'expertise propose « un suivi rigoureux » afin de fournir « les éléments de réflexion utiles pour juger de l'applicabilité, à plus long terme, du dispositif conventionnel à la psychiatrie ».
« Ce rapport de très grande qualité va dans le sens que nous défendons et préconisons depuis plus d'un an », commente le Dr Pierre Staël, président du Syndicat des psychiatres français (SPF, qui se dit « majoritaire » avec « 1 800 adhérents, dont 1 300 libéraux exclusifs ou mixte »). Non seulement les 5 500 psychiatres libéraux se voient accorder à leur tour un DA pour les patients de plus de 25 ans hors parcours de soins (qui leur permettra de facturer leur consultation 47 euros au lieu de 40), mais les actes concernés ne subiront pas de majoration de 10 % du ticket modérateur, conformément au décret du 3 novembre 2005. Le Dr Staël voit dans cette conjonction « une nouvelle donne favorable à la psychiatrie ».
Partisan au contraire d'un « accès spécifique élargi », le Syndicat national des psychiatres privés (Snpp, qui affiche « environ 1 000 adhérents ») est beaucoup plus réservé. Son président, le Dr Jean-Jacques Laboutière, dénonce le caractère « paradoxal » du rapport. Selon lui, le document « reconnaît que l'absence d'accès spécifique constitue un obstacle aux soins » pour les moins de 25 ans, mais « semble construit pour justifier de manière un peu artificielle que ce risque peut être minoré » pour les autres patients.
De leur côté, les associations de malades se montrent contrariées, faute d'avoir été consultées. Il faut « faciliter et non freiner » le recours au spécialiste qui constitue en psychiatrie « une opération longue, délicate et difficile », argue Jean Canneva, président de l'Union nationale des amis et familles de malades psychiques (Unafam). « Chez nous, des gens ont un médecin généraliste qui ne sait pas qu'ils sont suivis en psychiatrie », précise Claude Finkelstein, à la tête de la Fédération nationale des associations de patients et ex-patients en psychiatrie (Fnap-PSY), parce que « c'est stigmatisant et aussi intime que la gynécologie ». Si les médecins généralistes doivent être consultés en premier recours après 25 ans, conclut-elle, « il leur faudra une sacrée formation, mais pour l'instant ils n'en ont pas et n'ont pas le temps de la faire. Ils ont tendance à pallier le problème par des antidépresseurs alors qu'ils devraient aller plus loin ». Aux partenaires conventionnels de soigner la rédaction d'un avenant qui fait déjà débat.
70 % des patients ont un médecin traitant
LA MONTÉE en charge du dispositif du médecin traitant se poursuit, avec 33,4 millions de formulaires de choix retournés au 1er décembre, représentant 69 % des patients de plus de 16 ans (71 % dans le seul régime général). Selon les dernières statistiques de l'assurance-maladie, que s'est procurées « le Quotidien », le médecin traitant choisi est un généraliste dans « 96 % » des cas (omnipraticien en mode d'exercice particulier ou MEP à 3,6 % et spécialiste à 0,4 %), installé le plus souvent en secteur I à tarif opposable (à 92 %). « Soixante et onze pour cent des médecins libéraux et la quasi-totalité des omnipraticiens ont signé au moins une déclaration médecin traitant », selon la Cnam. Cinquante et un pour cent des spécialistes sont aussi impliqués dans le dispositif, ne serait-ce que pour soigner leurs proches.
Depuis l'entrée en vigueur des parcours de soins coordonnés le 1er juillet, les patients consultent majoritairement leur médecin traitant en premier recours. A la fin de novembre, le pourcentage d'actes réalisés dans le parcours de soins coordonné s'est stabilisé à « 60,5 % » (contre 52,3 % en septembre). Ce taux culmine à 66,6 % en ce qui concerne les actes des généralistes (hors MEP) et baisse à 45 % pour les seules consultations de spécialistes.
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