Les acides aminés (AA) alimentaires sont totalement absorbés au niveau intestinal et passent dans la circulation sanguine, la moitié étant dégradée au cours du premier passage hépatique, l'autre étant utilisée en périphérie pour la synthèse protéique. Chez les personnes âgées, une grande partie de ces AA est séquestrée au niveau splanchnique, une étape imparfaitement élucidée, réduisant ainsi la quantité d'AA disponibles pour la synthèse protéique musculaire. Au fil du temps ce phénomène de séquestration splanchnique contribue à l'érosion de la masse musculaire chez les seniors ; il explique aussi la résistance à la renutrition des organismes âgés, l’apport protéique ne permettant pas de restaurer la synthèse protéique au niveau musculaire. Plusieurs stratégies peuvent être proposées, soit des régimes hyperprotéiques souvent difficiles à accepter à un certain âge, soit fournir un apport azoté échappant à la séquestration splanchnique. La citrulline répond à cette problématique.
Un puissant stimulant de la synthèse protéique
La citrulline, découverte pour la première fois par l'équipe de L. Cynober (Paris-Descartes) est un AA synthétisé par l'intestin mais qui échappe à la séquestration splanchnique. S'il ne fait pas partie des 20 AA utilisés pour la synthèse protéique, il en est un puissant stimulant au niveau musculaire. « Sur un modèle expérimental de rat âgé, l'apport alimentaire de citrulline augmente en une semaine de 20 % le stock protéique et s'associe à une synthèse protéique musculaire multipliée par 2, un effet considérable qu'aucune molécule ni apport nutritionnel n'ont jamais permis jusqu'ici » souligne Christophe Moinard. Les études menées in vitro sur le muscle confirment cet effet. Ce bénéfice se maintient sur le long cours, contrairement à la complémentation en leucine, qui stimule aussi la synthèse protéique mais dont les effets ne se maintiennent pas dans le temps : l'apport de citrulline à des rats permet en 3 mois d'augmenter de 25 % leur masse musculaire et de réduire la masse grasse, surtout au niveau abdominal, de l’ordre de50 %.
La citrulline agit sur la voie de transduction mTOR, régulatrice de la synthèse protéique, activée physiologiquement après un repas. L'apport de citrulline à des rats âgés dénutris restaure le niveau d'activation de cette voie ; des résultats récemment confirmés in vitro où l'utilisation d'un inhibiteur spécifique de mTOR (la rapamycine) bloque les effets de la citrulline.
Bénéfices confirmés en recherche préclinique
Des essais menés chez des volontaires sains retrouvent le même impact sur la synthèse protéique musculaire chez l'homme. Autre point très positif, alors que les AA à forte dose occasionnent souvent des diarrhées osmotiques, cet effet n'est pas retrouvé avec la citrulline, vraisemblablement en raison de la rapidité de son absorption intestinale. La citrulline a déjà prouvé son intérêt pour restaurer la synthèse protéique après résection du grêle supprimant sa production. Elle est très attendue dans la prise en charge de la sarcopénie. Une étude est actuellement menée dans différents hôpitaux parisiens chez des personnes âgées dénutries, randomisées en double aveugle citrulline à 10 g/jour vs placebo pendant trois semaines afin de vérifier son rôle sur le turn-over protidique et la masse maigre.
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