Des chercheurs de l'université Rockefeller (New York) ont entrepris un projet complètement fou : ils ont décidé d'établir un « atlas » du système nerveux central dans lequel l'ensemble des gènes exprimés par chacune des cellules du cerveau sera répertorié. Cet atlas, baptisé GENSAT pour « Gene Expression Nervous System ATlas », permettra sans aucun doute d'accélérer les découvertes relatives au fonctionnement du système nerveux central des mammifères, de ses milliards de neurones et de ses connexions.
Déjà le profil d'expression de 150 gènes chez la souris
Les tout premiers résultats de ce gigantesque programme de recherche viennent d'être rendus publics : le profil d'expression de 150 gènes a d'ores et déjà été analysé dans les cellules du cerveau de souris, au cours du développement embryonnaire et à l'âge adulte. Ce travail préliminaire a non seulement servi à la mise au point de la technique d'analyse, mais il a également permis d'obtenir des informations inédites, en particulier au sujet du développement cérébral et de l'expression de la protéine impliquée dans le syndrome de DiGeorge. Il est en effet apparu que cette protéine (codée par le gène Gscl) est normalement produite par des neurones localisés dans une région du cerveau qui régule les mouvements oculaires rapides durant le sommeil paradoxal. Les auteurs ont en outre découvert que les cellules exprimant Gscl étaient toutes issues de deux cellules embryonnaires situées dans la zone ventriculaire de l'embryon de 10,5 jours, juste à la bordure entre le mésencéphale et le métencéphale en cours de développement.
Les BAC
La construction de GENSAT repose sur l'utilisation de petites molécules d'ADN artificielles capables de se maintenir dans les cellules tels des chromosomes, les BAC (Bacterial Artificial Chromosome). Compte tenu de leur taille (150-200 kilobases), les BAC contiennent généralement un gène accompagné de l'ensemble des éléments qui régulent son expression de manière spatio-temporelle. Depuis que le génome de la souris a été entièrement séquencé, des banques de BAC contenant la totalité des gènes murins sont disponibles.
Les chercheurs impliqués dans la mise en route du projet GENSAT ont choisi 150 BAC contenant chacun un gène, représentatifs et connus pour s'exprimer dans le système nerveux central. Ces BAC ont été utilisés pour construire des lignées de souris transgéniques : Gong et coll. ont tout d'abord modifié les BAC choisis de manière à remplacer le gène qu'ils contenaient par un gène codant pour une protéine fluorescente facile à détecter. Les éléments de régulation de l'expression initialement présent dans les BAC n'ont pas été altérés. Les BAC modifiés ont ensuite été introduits dans des cellules embryonnaires de souris de manière à obtenir des animaux transgéniques exprimant la protéine fluorescente selon un profil spatio-temporel identique à celui du gène initialement porté par le BAC.
Un travail énorme
Grâce à ces souris, et par simple détection de la fluorescence, Gong et coll. ont pu dresser l'inventaire des cellules du cerveau exprimant chacune des 150 protéines étudiées. Une méthode alternative qui ne permet d'obtenir une aussi bonne résolution (l'hybridation in situ des ARN messager) a permis de valider la fiabilité de la technique de Gong et coll.
Même si la quantité de travail qu'il reste à fournir pour achever l'atlas du cerveau est impressionnante, les résultats préliminaires du projet GENSAT ont démontré que ce programme de recherche était réalisable et utile.
La technique mise au point par Gong et coll. pourrait par ailleurs être utilisée pour évaluer de manière directe l'effet de médicaments sur l'expression de protéines cérébrales.
S. Gong et coll., « Nature » du 30 octobre 2003, pp. 917-925.
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