Un archipel d’histoires

Bonjour Philippines

CEBU est une île toute en longueur plantée au coeur de l’archipel des Visayas. Un littoral étroit, des plaines aux collines vallonnées et des montagnes déchiquetées. Ses eaux cristallines sont le paradis des grandes escapades sous-marines. C’est ici que Magellan débarqua le 7 avril 1521, prenant possession de ces terres pour le compte de la Couronne espagnole. L’île devint la capitale des Philippines. On peut encore y voir la plus ancienne église du pays (Santo Niño), la première école (l’université de San Carlo) et une rue bâtie par les conquérants (Colon Street).

Les compagnons de Magellan découvrirent que l’île commerçait déjà avec l’Orient et que des vaisseaux du Siam, de la Chine et de l’Arabie mouillaient en grand nombre dans les eaux protégées de Cebu. Les indigènes furent dénommés «pintados» (les hommes peints) parce que, comme l’a écrit un chroniqueur, «ils se tatouaient le corps, couvrant les parties délicates d’un pagne». Une croix rappelle l’expédition espagnole. Elle fut plantée le 15 avril 1521 par Ferdinand Magellan à l’endroit même où les premiers Philippins – le roi Humabon, la reine Juana et leurs 400 sujets – furent baptisés.

Toutes les îles voisines sont à quelques heures de bateau. Ainsi, Bohol, qui suel’ennui, doit sa réputation et ses migrations touristiques à une aimable facétie géologique désignée sous le nom de collines en chocolat : plusieurs centaines de mamelons alignés à perte de vue. A la saison sèche, ces collines couvertes de grandes herbes prennent une couleur chocolat.

La Passion toujours recommencée.

La petite île de Marinduque est coincée entre la province de Quezon et Mindoro, dans la baie de Tayabas. Une montagne volcanique encerclée par un massif corallien. Chaque année, la Semaine sainte est un événement. Le festival des Morionnes célèbre avec réalisme la Passion du Christ. Plus une place sur l’unique vol quotidien. Les ferries aux horaires incertains et les bateaux de pêche sont pris d’assaut pour rejoindre l’île sainte. Le personnage emblématique de la Passion est le centurion romain Longinus. La légende veut que ce soldat borgne, qui avait planté sa lance dans le flanc de Jésus pour abréger son agonie, reçut quelques gouttes de sang divin sur son oeil mort et recouvrit la vue. Longinus allait se convertir au christianisme et mourir en martyr. On trouve la trace du centurion miraculé sur une miniature d’un manuscrit florentin daté de 586 après J-C.

Le Vendredi Saint, le pénitent qui interprète le fils de Dieu quitte l’église-forteresse et traverse la ville en marquant toutes les stations du Chemin de Croix, tandis qu’un narrateur proclame la Passion en tagalog. Il est escorté d’une troupe de Morionnes et d’une foule tantôt grave, tantôt joyeuse. On le mène sur une colline à l’écart de la ville, où il est crucifié entre les deux larrons. A 15 heures précises.

La huitième merveille du monde.

Au-dessus de Banaue, dans la province du Nord-Luzon, les rizières en terrasses ont redessiné la montagne. L’eau des torrents a été capturée et propagée sur des miroirs infinis où des hommes piquent sans cesse des plants de riz, qui, en quelques mois, enflammeront la montagne d’un vert intense. Cette succession de marches célestes défie l’imagination. Les terrasses irriguées depuis plus de deux mille ans sont l’oeuvre des Ifugaos (littéralement «les hommes de la terre»). On dit que c’est la huitième merveille du monde.

Le peuple ifugao, qui vit dans des villages couverts de palmes dispersés au coeur des rizières, a conservé, grâce à cet isolement, des coutumes d’un autre âge et une élégance raffinée : pièces d’étoffes colorées, boucles d’oreilles, couvre-chefs ornés de plumes orgueilleuses, large couteau et lance effilée.

L’archipel compte une soixante d’ethnies largement brassées dans une population de 67 millions d’habitants que les colonisations espagnole et américaine ont largement contribué à rassembler en une nation.

On distingue encore les Negritos, surtout sur l’île de Luzon (sans doute les premiers habitants de l’île), les Tagalogs – musulmans à l’arrivée des Espagnols, chrétiens aujourd’hui –, les Igorots, les Kalinguas et tous les peuples de Mindoro, de Mindanao, des Visayas et de Palawan.

Palawan, justement, offre un aperçu saisissant du paradis. Situé à quelques encablures au nord de Bornéo, ce mini-archipel d’îles vierges est le territoire sauvage d’une faune et d’une flore uniques. Les 29 cavernes de Tabon, sur les hauteurs de Lipuon Point au sud de l’île, révèlent des trésors archéologiques et des ossements fossilisés. Un crâne découvert ici a été daté de 22 millénaires.

Mais c’est sur les chemins vertigineux de l’île où ne s’aventurent que les jeepneys – ces véhicules solides et bariolés – que l’on pénètre dans une nature qui demeure admirablement primitive malgré une déforestation malheureuse. Tout au nord, El Nido est un village discret noyé dans les eaux claires. Cerné par des pains de sucre et des falaises de marbre noir, il est devenu célèbre quand une firme japonaise a aménagé non loin, sur la petite île de Miniloc, un luxueux complexe pour les plongeurs.