MAHMOUD ABBAS est le candidat du Fatah, celui de l'Amérique, celui de l'Europe, celui de l'ONU ; et celui d'Israël, qui ne peut espérer un interlocuteur palestinien plus modéré. L'ancien Premier ministre de Yasser Arafat a fait la preuve de son sang-froid et de son sens politique depuis le 11 novembre, date du décès d'Arafat. Il n'a pas insisté pour des funérailles à Jérusalem, ce qui aurait déclenché une autre querelle avec Israël et donc retardé la mise en place de la consultation électorale ; il a combattu avec vivacité la thèse absurde d'un empoisonnement d'Arafat, ce qui risquait d'allumer un nouvel incendie dans les territoires ; il bénéficie d'une accalmie militaire qu'il a peut-être réclamée (et obtenue) discrètement.
MALGRÉ LES DIFFICULTÉS, LE TABLEAU N'EST PAS DÉSASTREUX
Le prisonnier candidat.
Une douzaine de personnes se sont déclarées candidates, mais aucune n'est crédible, sauf Marwan Barghouti, emprisonné à vie en Israël. M. Barghouti est l'un des leaders ardents de l'intifada armée. Il affirme ne pas être un terroriste et ne pas vouloir la disparition d'Israël ; il demande la création d'un Etat palestinien vivant pacifiquement à côté de l'Etat juif. Cependant, les Israéliens ont affirmé que M. Barghouti ne serait pas libéré s'il était élu et qu'il devrait diriger l'Autorité à partir de sa cellule. Que l'on sache, Mahmoud Abbas n'a d'ailleurs pas réclamé la libération de M. Barghouti. Enfin, le même Barghouti s'est livré à une valse-hésitation : il a retiré sa candidature, pour la présenter une deuxième fois avec un argument peu convaincant : poursuivre l'œuvre d'Arafat.
M. Barghouti n'est pas le moins légitime des candidats et les Palestiniens, si prompts à s'enflammer pour ceux qui se battent en leur nom, pourraient effectivement lui trouver plus d'attraits que le sobre (et vieux) Mahmoud Abbas ; mais de même qu'il n'a pas choisi entre la violence et la politique ou qu'il fait un va-et-vient entre les deux, il pourrait bien, une fois élu, succomber au syndrome d'Arafat : toujours prêt à négocier, mais sans renoncer au terrorisme.
M. Abbas fera tout pour que M. Barghouti se désiste. Confronté au Hamas (qui ne veut pas participer aux élections), il n'a pas besoin que l'électorat de l'OLP et du Fatah se scinde. Il poursuit moins un projet personnel que la recherche d'une solution temporaire qui mettrait fin aux souffrances du peuple, en attendant la création de l'Etat dans des frontières acceptables pour les Palestiniens. Il n'a cessé de dire que l'intifada avait été une erreur qui a fait le malheur de ses compatriotes.
Les difficultés de Sharon.
Est-il soutenu par une majorité ? Ce ne sera le cas que si ne s'interpose pas un leader plus charismatique que lui. Mais, par ailleurs, ne vaut-il pas mieux, pour Israël, négocier directement avec les « durs », de façon à en finir pour de bon avec cette guerre ?
C'est M. Sharon qui n'est pas prêt à instaurer « la paix des braves ». Il n'est même pas sûr d'éviter des élections anticipées ; l'évacuation de Gaza, qu'il a réaffirmée avec force, lui vaut beaucoup d'ennemis dans son propre parti, le Likoud. Son budget pour 2005 ayant été rejeté par la Knesset, il a limogé les cinq ministres de la coalition gouvernementale qui appartenaient au Shinouï, parti laïque. Il est en train de négocier avec les travaillistes pour former une nouvelle coalition.
Dans ces conditions, lui demander d'engager des pourparlers avec un Palestinien condamné cinq fois à la prison à perpétuité pour divers attentats qui ont fait des dizaines de morts, c'est peut-être aller trop loin.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la Syrie, très critiquée en Europe et aux Etats-Unis pour sa main-mise sur le Liban, s'est déclarée prête la semaine dernière à négocier avec Israël sans conditions ; c'est une offre de Gascon : il s'agit seulement d'envelopper Sharon dans un tourbillon subit de pacifisme pour que chute son gouvernement. Tout à coup, les pires ennemis d'Israël veulent la paix.
C'est clair : Ariel Sharon ne peut pas, aujourd'hui, offrir plus que ce qu'il a promis. Il ne va pas restituer Gaza, puis la Cisjordanie et encore le Golan dans la foulée ; il ne va pas déclencher une guerre civile avec les colons. Le plus cruel pour lui, c'est qu'il dispose d'une majorité populaire de 60 % pour progresser vers la paix, mais que les députés à la Knesset sont incapables de représenter la volonté nationale dans son ensemble et se battent pour des enjeux infiniment moins importants que le destin d'Israël.
Si les obstacles à franchir sont infiniment plus hauts que le mur de séparation, le tableau général n'est pas du tout désastreux : en dépit de la haine qu'Israël leur inspire, les Palestiniens semblent plus concentrés sur le processus électoral que sur les attentats. M. Abbas garde toutes ses chances et on imagine que, même si M. Sharon tente de temporiser, les Américains insisteront pour que soit renforcée la position d'un président palestinien bien plus raisonnable - et surtout cohérent - que le précédent : ce serait trop bête de perdre un tel interlocuteur. Mais, bien sûr, au Proche-Orient, on n'est jamais à l'abri d'un coup de théâtre, c'est-à-dire d'un crime.
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