à LA VEILLE de la Journée internationale de la femme du 8 mars, les Drs Cécile Morvant, praticienne hospitalière, Emmanuelle Piet, médecin de PMI, Laure Vanwassenhove, généraliste, Gilles Lazimi, omnipraticien en centre de santé, et Gérard Lopez, psychiatre en unité médico-judiciaire, lancent un appel aux organisations professionnelles, aux pouvoirs publics et au monde hospitalo-universitaire pour que soit créée une «véritable formation initiale et continue» pour la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales et de leurs bourreaux*.
«En tant que citoyens et médecins, nous nous devons de mettre nos compétences au service des victimes, d'améliorer nos pratiques et de nous former pour mieux les accueillir et les accompagner, écrivent-ils. Nous demandons instamment que les recommandations du rapport du PrHenrion (2001) et du plan Violence 2005 soient enfin effectives et que l'on sorte des effets d'annonce et des beaux discours. Violences physiques, psychologiques, sexuelles et économiques sont autant de moyens utilisés par l'agresseur pour établir uncontrôle permanent» sur sa compagne.
Un coût annuel de 1 milliard d'euros.
Chaque année, 10 % des Françaises de 20 à 59 ans se trouvent en situation de victime de violence conjugale, 48 000 sont violées, 82 tuées**, 8,5 % subissent des insultes et des menaces au travail et 4 % un harcèlement moral. Chacune de ces femmes perd entre une et quatre années de vie en bonne santé et il en coûte environ 1 milliard d'euros par an à la société, notamment en raison de consommations médicamenteuses excessives.
«Les impacts psychologiques sont considérables», soulignent les signataires. En témoignent anxiété, stress, dépressions, risque suicidaire majoré (25 fois plus de tentatives de suicide), syndrome de stress post-traumatique positif dans 58 % des cas (Astin, 1995), abus de sédatifs, de somnifères et d'analgésiques prescrits par le médecin et consommation de drogues.
Les médecins qui lancent l'appel soulignent l'augmentation du risque chez les femmes enceintes. «Lors de la grossesse, les violences commencent chez 40% des femmes et redoublent pour 40%, ce qui entraîne des risques d'hypertensionartérielle, de saignements vaginaux (de 40 à 60 %), de prématurité (37 %) et d'hypotrophie des bébés (17 %, Silverman, 2006) .»
«Les professionnels médico- sociaux, policiers et judiciaires n'assurent pas l'accompagnement qu'ils devraient, regrettent-ils . Beaucoup de médecins n'ont pas conscience de l'ampleur du phénomène. Ils ne peuvent concevoir et imaginer que les violences touchent près d'un tiers des patientes venant les consulter. Ils n'ont pas appris que les violences s'exercent dans n'importe quel milieu, quels que soient l'âge, la race, l'éducation, la religion, le statut marital, le niveau socio-économique. Ils ont le sentiment d'être isolés, voire impuissants, et craignent les retombées judiciaires. Nombreux sont ceux qui n'ont reçu aucune formation. Le médecin se perd souvent dans le code de déontologie, ses obligations d'assistance à personne en danger, le secret médical avec ses dérogations, ou encore la rédaction du certificat médical, demandé de façon presque systématique lors d'un dépôt de plainte. Il se voit attribuer la responsabilité de la détermination de l'incapacité totale de travail, sans qu'aucune grille d'évaluation n'ait été établie par les instances médicales et la justice.»
Les signataires font un certain nombre de recommandations. Il faut, selon eux, instaurer une formation initiale et continue, particulièrement pour les généralistes, les urgentistes, les médecins scolaires et du travail, les psychiatres et les gynécologues-obstétriciens ; sensibiliser au dépistage des situations de violences conjugales, assurer une information juridique et fournir des outils de prise en charge dans un cadre pluridisciplinaire. «Il est urgent, insistent les Drs Cécile Morvant, Laure Vanwassenhove, Emmanuelle Piet, Gilles Lazimi et Gérard Lopez, de reconnaître enfin les violences faites aux femmes comme un problème de santé publique majeur et d'aider par des formations adaptées les médecins à les prendre en charge.»
* www.violences.fr.
** Parmi les morts violentes survenues au sein du couple, l'Observatoire de la délinquance a recensé également 26 hommes en 2004, comme en 2003. S'y ajoutent les conséquences sur les enfants qui dépriment, en échec scolaire ou qui connaissent des troubles de la conduite. Les enfants de mères violentées ont eux-mêmes un risque d'être à leur tour malmenés dans leur vie de couple de six à quinze fois plus élevé.
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