« Nous, femmes de tous les pays, femmes d'un monde où les progrès scientifiques tardent à vaincre les maladies génétiques... demandons que nos sociétés fassent de la lutte contre la drépanocytose une priorité absolue. Qu'elles mobilisent pour cela des ressources humaines plus nombreuses et des moyens financiers nationaux et internationaux nécessaires, en assurant la transparence de leur utilisation. Qu'elles exigent des chefs d'Etat et de gouvernement de tous les pays où la maladie sévit des engagements afin de faire reculer la prévalence de la maladie et d'améliorer sensiblement les conditions de sa prise en charge. Qu'elles exigent de l'OMS que la journée du 20 juin devienne journée mondiale de la drépanocytose. »
En ce 19 juin 2003, par la voix de Viviane Wade, épouse du président sénégalais Abdoulaye Wade, les femmes, leaders d'opinion des pays touchés par la maladie, sont venues lancer un appel à la communauté internationale.
C'est à l'initiative du Réseau francophone de lutte contre la drépanocytose (RFLD), créé par l'association Sud développement en 2000, que se sont réunis scientifiques et représentants du monde politique et de la vie associative, pour rappeler que cette affection est grave et fréquente.
Plus de 200 000 enfants atteints naissent chaque année en Afrique. Près de 50 % d'entre eux n'atteindront pas l'âge de cinq ans. Dans certaines régions, ce pourcentage avoisine les 98 %.
« Mais la maladie n'est pas spécifique à l'Afrique, explique le Dr Léon Tshilolo (République démocratique du Congo) . Elle y est bien sûr très fréquente - c'est la maladie génétique la plus fréquente en Afrique -, mais elle existe également dans les populations méditerranéenne, moyenne-orientale et indienne. »
La maladie qui fait éclater les os
Cette maladie héréditaire récessive, dans laquelle l'hémoglobine A est remplacée par l'hémoglobine S drépanocytaire, est due à une mutation qui ne modifie qu'un seul acide aminé de la globine. La mutation serait apparue entre 1100 et 200 ans avant Jésus-Christ et, probablement sous la pression sélective du paludisme, les individus hétérozygotes AS ont été privilégiés. Les porteurs AS ont une protection relative contre la mortalité due au paludisme : les deux affections ont sensiblement la même répartition géographique.
« Les deux parents peuvent transmettre l'affection », insiste le Dr Tshilolo. En Afrique, la maladie est souvent vécue comme une malédiction qui stigmatise souvent les femmes. D'où l'importance de programmes d'éducation, d'information et de sensibilisation des populations. « Maladie qui fait éclater les os », « hématies », « anémie SS » désignent la drépanocytose sur le continent africain. Car ses principaux symptômes sont la douleur et l'anémie. La douleur, intense, apparaît très tôt, dès l'âge de trois à six mois, et se traduit par des pleurs fréquents. Plus tard, elle empêchera la mobilisation et gênera la scolarité. L'anémie peut retarder le diagnostic car elle fait craindre un paludisme. La splénomégalie, la tuméfaction des mains et des pieds (syndrome mains-pieds) en sont les autres signes. Les infections sont fréquentes (méningites, septicémies, ostéomyélites et ostéites) et l'ostéonécrose de la tête fémorale nécessite une prothèse totale d'un coût de 2 à 3 millions de francs CFA (2 000 à 4 000 euros).
Un dépistage précoce et un suivi adapté améliorent la qualité de vie des patients et prolonge leur survie à plus de 50 ans.
En France, dépistage systématique
La France, explique Christian Schoch, de l'assurance-maladie, « a choisi le dépistage systématique. Sur les 780 000 naissances annuelles, 200 000 sont systématiquement dépistées au 3e jour ». Le dépistage de la drépanocytose est, en effet, intégré à celui des autres maladies génétiques et on estime que « 99 % de la population concernée par la drépanocytose sont dépistés ». La prévalence varie entre un enfant sur 400 et un enfant sur 600. Même si des progrès restent à faire, notamment pour une prise en charge plus précoce après le diagnostic néonatal, la mortalité a régressé au cours de ces dernières années. Et cela, grâce à la vaccination, l'antibiothérapie, les transfusions sanguines ou traitement de l'anémie par l'acide folique.
Pour les pays d'Afrique se pose cruellement le problème du dysfonctionnement des systèmes de santé. « La maladie est plus fréquente au sud, mais les moyens sont au nord », rappelle le Dr Tshilolo.
« Nous devons instaurer un partenariat durable, pour un combat durable. Cet appel en est une étape, après la première réunion de l'UNESCO de l'année dernière et avant le prochain congrès de Cotonou (Bénin) en janvier 2004 », a conclu le Pr Gilbert Tchernia (hôpital du Kremlin-Bicêtre), membre du conseil scientifique du RFLD.
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