En quatorze ans d'existence, la PCR a rendu d'immenses services, en permettant de détecter des séquences nucléiques spécifiques, en quantité éventuellement très faible. Il ne s'agit toutefois que d'une technique qualitative, permettant d'affirmer la présence ou l'absence d'un ADN ou d'un ARN dans le cas de la RT-PCR. Or l'information quantitative est, elle aussi, essentielle dès que l'on s'intéresse à des phénomènes hétérozygotes ou à des questions de régulation de l'expression des gènes. Des techniques « maison » ont été développées dans certains laboratoires, pour apprécier la quantité de molécules de séquence données, présentes dans un échantillon. Jusqu'à présent, toutefois, on avait plutôt affaire à de la PCR qualifiée de « semi-quantitative ».
En temps réel
Avec le LightCycler, Roche Diagnostics a développé un appareil de PCR en temps réel, permettant véritablement de compter, dans un échantillon, les exemplaires de la molécule que l'on cherche. Le procédé est fondé sur l'apparition d'une fluorescence associée aux molécules amplifiées, le délai d'apparition de cette fluorescence étant en rapport linéaire avec le nombre initial de molécules amplifiées dans l'échantillon. Cette concentration peut être déterminée par comparaison avec le délai d'apparition de la fluorescence dans une gamme étalon contenant une séquence témoin à des concentrations connues.
Deux mille LightCycler sont en service dans le monde et des réunions sont organisées par Roche Diagnostics pour en présenter les applications. Les premières Rencontres LightCycler se sont tenues l'an dernier, à l'Hôpital américain de Neuilly, sous la présidence d'Axel Kahn ; les deuxièmes viennent de se tenir à l'Institut Pasteur, sous la présidence d'Arnold Munnich (INSERM U393, hôpital Necker).
Les participants ont effectivement présenté un appareil fiable, rapide (32 échantillons analysés en trente minutes), aux résultats reproductibles. Ses applications seraient aussi longues à recenser que celles de la PCR elle-même. Parmi les travaux de génétique prédictive, cancérologie, virologie, parasitologie, immunologie, présentés à l'Institut Pasteur, on peut toutefois mettre en avant deux exemples significatifs.
L'exemple de l'amyotrophie spinale
Il s'agit en premier lieu du problème de l'amyotrophie spinale et de sa prévention. Comme l'a rappelé Arnold Munnich, l'affection est la plus fréquente des maladies autosomiques récessives létales : une personne sur quarante est hétérozygote pour la mutation, qui est, dans la quasi-totalité des cas, une grande délétion sur le chromosome 5, emportant le gène. Pour détecter cette délétion à l'état hétérozygote, la PCR classique est inopérante, puisque l'allèle non délété est amplifié parallèlement à l'allèle muté, et que rien ne témoigne de la sous-représentation de l'allèle sain dans l'échantillon amplifié. Or « les frères et les surs des malades, qui connaissent la fréquence de l'allèle muté dans la population, n'ont qu'une idée en tête : savoir si le conjoint est lui-même porteur d'une délétion hétérozygote ». Le dépistage des hétérozygotes constitue donc, « au delà du problème technologique, un problème de santé publique ».
La distinction moléculaire entre deux tumeurs
Deuxième exemple, présenté par le Pr Pierre-Marie Martin (faculté de médecine Nord, Marseille), le cancer. Chacun sait que les classifications, et, par conséquent, les randomisations, opérées sur la base de critères anatomiques, ont atteint leur limite de résolution. C'est au niveau moléculaire qu'il faut dorénavant porter la distinction entre deux tumeurs et, le cas échéant, entre deux traitements. Les puces à ADN constituent une première approche du transcriptome, permettant de savoir si tel ou tel gène est exprimé ou non. Toutefois, malgré le développement de techniques semi-quantitatives dans le domaine des puces à ADN, la description du profil d'expression reste essentiellement qualitative. Or dans la cellule tumorale, la description d'une dérégulation, c'est-à-dire d'un niveau anormal d'expression, est tout aussi importante que la caractérisation d'une expression illicite.
Pierre-Marie Martin a insisté sur l'effort de standardisation que demande le test systématique d'un certain nombre de gènes (plus exactement de leurs transcrits ARN). Il faut prévoir des normes de prélèvement, de conservation et de transport, porter une grande attention à la microdissection de prélèvements chirurgicaux peu homogènes, pour que le type cellulaire dont on teste l'expression génomique soit bien défini. Enfin, il faut prévoir une traçabilité de la procédure. La logistique ne s'improvise donc pas. Mais maintenant que l'on connaît un certain nombre d'oncogènes, l'analyse de leur niveau d'expression dans la tumeur est une condition de progrès à la fois fondamentaux et cliniques, que personne ne conteste. Et ce travail de longue haleine ne peut être entrepris qu'avec une technique parfaitement fiable de PCR quantitative.
On comprend donc l'intérêt de nombreux chercheurs et cliniciens pour le LightCycler : l'appareil n'apporte pas en précision ou en facilité dans des domaines connus ; il ouvre la voie à des recherches nouvelles, indispensables et, jusqu'à récemment, impraticables à une certaine échelle. Ainsi, paradoxalement, l'apport de la PCR quantitative pourrait être qualitatif. Pour que l'Institut Pasteur accueille une réunion consacrée à un appareil de mesure, il fallait d'ailleurs bien que la nouvelle technique ait quelques retentissements profonds.
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