Fallait-il, comme l'ont fait « le Parisien » et « Libération », sonder les Français sur six mois de gestion chiraquienne ?
L'enquête du « Parisien » montre que, pour 49 % des citoyens (contre 43 %), Jacques Chirac n'a pas tenu compte du message contenu dans le vote du 21 avril. Celle de « Libération » indique que les Français n'ont pas plus confiance aujourd'hui dans leurs élus qu'autrefois. On s'interrogera d'abord sur l'utilité de sondages réalisés alors que le gouvernement, qui a ouvert simultanément plusieurs chantiers de réforme, de la baisse de la pression fiscale à la décentralisation en passant par la sécurité et la justice, ne peut évidemment exciper d'aucun résultat pour le moment.
Un gouvernement éclectique
Ensuite, il n'est pas certain que M. Chirac n'ait pas tenu compte des résultats du 21 avril ; car, le samedi 19 octobre, « Libération » avait consacré un dossier à la nature des réformes : certaines d'entre elles, affirmait le quotidien, marchent sur les plates-bandes des socialistes : décentralisation et immigration, notamment avec l'idée de faire voter les étrangers et celle de proposer aux immigrants un contrat d'intégration. Ce gouvernement ne brille pas encore de tous ses feux, mais il est éclectique.
Or, quel est le point de vue de la gauche ? Elle estime, grosso modo, qu'elle a « oublié » l'insécurité, qu'il faut fournir des efforts accrus en faveur des exclus, renforcer le système de répartition et donner plus de pouvoir aux régions, avec des variantes correspondant aux différents courants qui la composent.
Bien entendu, cela ne signifie pas pour autant que la droite et la gauche soient interchangeables. On remarque toutefois que M. Chirac s'efforce de tenir à l'écart les dogmes idéologiques. C'est le souci de maintenir ou d'augmenter l'électorat de la droite qui le guide, mais le résultat est le même : sa politique générale n'est pas dictée par le bréviaire traditionnel de la droite.
Elle l'est d'autant moins que le chef de l'Etat est critiqué par les plus libéraux de sa majorité qui voudrait qu'on aille plus vite dans la réforme de l'Etat et celle des retraites ; et s'indigne de ce qu'on n'ait pas annoncé des réductions d'effectifs dans la fonction publique.
Dans ces deux domaines, M. Chirac est au moins aussi prudent que Lionel Jospin. Mais le mécontentement majoritaire indiqué par les sondages du « Parisien » et de « Libération » n'est pas lié à l'insuffisance ou à la lenteur des réformes.
D'une part, les groupes de pression - fonctionnaires et enseignants - se sont déjà rebellés parce que le gouvernement a supprimé à peine un peu plus de 1 000 postes sur les 2,3 millions que compterait (le conditionnel est préférable) la fonction publique ; d'autre part, laquelle des personnes interrogées par les deux journaux a-t-elle compris qu'on créera des emplois dans le secteur privé si on diminue le nombre des emplois publics, ce qui permettrait d'abaisser les charges des entreprises ?
Si les Français ont de bonnes raisons de se méfier des entreprises privées, promptes à supprimer massivement des postes de travail quand la conjoncture est défavorable, ils n'ont pas encore établi le lien entre le dynamisme du secteur privé et la charge que représente pour l'Etat le gigantisme de la fonction publique. C'est un domaine où nous battons tous les records, même les social-démocraties scandinaves, même l'Allemagne. Il existe donc un « mal » français en ce qui concerne la fonction publique, de la même manière que l'insécurité routière consitue un mal qui nous est spécifique. On ne voit pas pourquoi nous nous contenterions d'arriver bons derniers dans quelque domaine que ce soit et pourquoi nous prendrions des gants pour combattre une dérive excessive.
Chirac n'est pas cuménique
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a promis de porter le fer dans les plaies. Il sait cependant qu'il ne va pas changer les mentalités du jour au lendemain ; il n'est pas aidé par le ralentissement économique ; et précisément parce qu'il a adopté une démarche éclectique, avec à la fois des mesures susceptibles de contenter les contribuables et de diminuer un tant soit peu l'exclusion, il est critiqué de toutes parts.
En somme, M. Chirac n'a pas fait, au lendemain du 5 mai, le choix de devenir vraiment le président des 85 % des Français qui ont voté pour lui. La machine qu'il a mise en route pour remporter les législatives a été la preuve vivante de sa volonté d'écraser en même temps l'extrême droite et la gauche (ce à quoi il est parvenu). L'cuménisme politique ne l'intéresse pas. Mais aujourd'hui, il tente quand même de démontrer que la politique conduite par son camp est bonne pour tout le monde. M. Raffarin travaille beaucoup, il décide et il légifère. Il doit accompagner les mesures qu'il prend d'un effort didactique en direction des Français, au-dessus de la tête des partis. C'est une tâche extrêmement difficile. Tellement difficile que nul ne peut jurer qu'il parviendra à l'accomplir.
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