De notre correspondante
L'ANEVRISME de l'aorte abdominale se produit souvent chez l'homme de la soixantaine (de 6 à 9 % des hommes de plus de 65 ans) en raison de son rapport étroit avec la maladie athéromateuse. Elle détruit les éléments élastiques de la paroi aortique qui se laisse alors distendre.
Lorsque le traitement chirurgical est impossible, l'anévrisme progresse jusqu'à la rupture, avec un taux de mortalité élevé. Un traitement non chirurgical, capable d'en réduire le diamètre et, par conséquent, le risque de rupture, serait précieux. Mais peu d'options existent, car l'on comprend mal sa pathogéese moléculaire.
Il semble cependant que l'anévrisme peut régresser puisque, chez certains patients, une réduction du diamètre a pu être constatée après un pontage endovasculaire.
L'avancée d'une équipe japonaise soulève l'espoir d'un futur traitement médical susceptible de provoquer la régression d'un anévrisme de l'aorte abdominale.
La kinase JNK.
Yoshimura et coll. (université de Yamaguchi, Japon) se sont intéressés à la kinase JNK, qui pourrait jouer un rôle dans cet anévrisme. JNK (c-Jun N-terminal kinase) est aussi connue sous le nom de protéine kinase activée par le stress. Leur raison était la suivante : plusieurs stimuli ont été liés à l'inflammation chronique observée dans l'anévrisme de l'aorte abdominale (stress mécanique, stress oxydatif, angiotensine 2, TNF-alpha, IL1 bêta, IL6 et IFN-gamma), et la plupart activent la kinase JNK dans les cellules musculaires lisses des vaisseaux et dans les macrophages. Ces myocytes produisent les composants de la matrice extracellulaire, comme l'élastine, et sécrètent les métalloprotéinases de la matrice (MMP) à l'action délétère. Les macrophages sécrètent les cytokines et ces métalloprotéinases. L'activation de la kinase JNK pourrait-elle contribuer au développement de l'anévrisme ?
Pour en savoir davantage, les chercheurs ont recherché dans les cellules musculaires lisses des vaisseaux de rat les gènes régulés par la kinase JNK.
Cette analyse génétique montre que l'activation de JNK accroît l'expression de plusieurs gènes impliqués dans le signal pro-inflammatoire (IL1 alpha, TrkC, syntéthase du NO inductible et MMP-9) et, résultat surprenant, réduit également l'expression de plusieurs gènes codant pour des enzymes qui jouent un rôle clé dans la biosynthèse de la matrice extracellulaire (dont Plod1, Lox, et P4ha1).
En dégradant la matrice extracellulaire.
Dans un second temps, ils ont établi que les échantillons d'anévrisme humain présentent un taux élevé de kinase JNK activée (par phosphorylation) et que le signal d'activation est localisé dans les cellules musculaires lisses des vaisseaux et les macrophages. Ils montrent, ensuite, dans un modèle murin, que l'activation de JNK entraîne l'activation de la MMP-9 et du signal pro-inflammatoire, lesquels jouent un rôle central dans l'anévrisme en dégradant la matrice extracellulaire, et qu'elle supprime en même temps la biosynthèse et le dépôt de la matrice extracellulaire (collagène, élastine...) essentiels à l'intégrité de la paroi aortique.
Enfin, un traitement inhibant sélectivement la JNK (SP60012), administré pendant plusieurs semaines, prévient le développement de l'anévrisme dans un modèle murin (la lésion est induite expérimentalement). Mieux, le même traitement inhibiteur de JNK pendant 6 à 8 semaines provoque dans deux modèles murins la régression de l'anévrisme établi (réduction du diamètre aortique de 18 %).
Par conséquent, la kinase JNK favorise un métabolisme anormal de la matrice extracellulaire dans le tissu anévrismal aortique et pourrait représenter une cible thérapeutique.
« Ces résultats montrent que l'inhibition de la JNK améliore le métabolisme de la matrice extracellulaire et accroît la réparation tissulaire, ce qui se traduit par une régression de l'anévrisme de l'aorte abdominal in vivo », conclut l'équipe.
« Nature Medicine », 27 novembre 2005, Yoshimura et coll., doi : 10.1038/nm1335.
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