PUISQUE 30 % des femmes américaines et européennes souffrent à divers degrés de troubles du désir sexuel, les spécialistes en neurosciences et en sciences du comportement se sont lancés à la recherche du médicament qui pourrait améliorer la condition de ces femmes. L'un des obstacles à la mise au point d'un traitement tient au fait que les origines des troubles féminins peuvent se révéler multiples et parfois intriqués : étiologie interpersonnelle (problèmes de couples), personnelle (troubles du désir sans problèmes relationnels avec le partenaire) ou physiologique. L'une des autres limites est en rapport avec la difficulté à disposer d'un modèle animal de désir féminin. Actuellement, la plupart des recherches ont été menées chez des rats femelles, animaux qui expriment leur désir sexuel par une majoration de leur lordose (afin de faciliter la pénétration) et un comportement moteur spécifique (sauts à cloche-pied, mouvements d'aiguillons de la partie caudale et promenade de long en large). Or, ces comportements spécifiquement animaux ne peuvent en aucun cas être transposés chez les femmes qui expriment leur désir sexuel de façon différente.
Deux types de cages.
Afin de mettre au point des tests qui permettraient d'approcher au plus près le désir sexuel des femmes et d'évaluer les médicaments qui pourraient agir sur cette donnée, des psychologues canadiens ont imaginé deux types de cages dans lesquels des rates traitées par des produits qui pourraient majorer le désir sexuel seraient mises en contact pendant trente minutes avec des rats mâles vigoureux. La première de ces cages est constituée de deux étages : il semblerait que les femelles prises de désir sexuel changent de niveau de cage de façon très rapide et répétée tout en adoptant leur comportement habituel (lordose et comportement moteur). Le lien entre ce comportement et celui des femmes reste encore assez lointain. L'autre type de cage ne contient qu'un seul niveau séparé en deux parties par une plaque de Plexiglas qui contient soit quatre trous de petite taille (ne permettant pas le passage du rat dont le diamètre est supérieur à celui de l'ouverture), soit un seul trou de plus grande taille dans lequel les animaux des deux sexes peuvent pénétrer. Ce dispositif permet d'apprécier le délai entre les sollicitations sexuelles de la rate envers le rat, qu'il y ait eu ou non pénétration ou éjaculation. Dans ces conditions, les investigateurs ont pris en compte comme marqueur de la sollicitation sexuelle féminine la présentation de la partie caudale au mâle suivie d'une course rapide.
La substance testée dans cette expérience était un neuropeptide dérivé de la propriomélanocortine : le PT 141, un peptide analogue de l'alpha Melanocyte Stimulating Hormone qui se fixe au niveau de récepteurs spécifiques du système nerveux central. Si on savait déjà que cette substance augmentait le désir masculin (facilement identifiable), chez les femmes seule une augmentation dose dépendante de cette substance avait été rapportée lors de l'injection d'estrogènes. Quatre-vingts rates ovariectomisées, puis traitées par estrogènes associés ou non à de la progestérone, ont reçu une injection sous-cutanée de cette substance (à des doses allant de de 50 à 200 μg/kg) ou d'un placebo. Elles ont ensuite été placées dans l'un des deux types de cages mises au point par les expérimentateurs après avoir préalablement été mises en contact durant quatre jours avec un mâle vigoureux. « Globalement, l'injection de PT 141 s'est accompagnée d'une majoration du comportement traduisant un désir sexuel chez la rate, sans modification de son état moteur de base et sans diminution du délai entre deux actes sexuels. Si cette substance semble être la première à agir sur les troubles du désir sexuel féminin, il est encore impossible de prédire si elle pourrait se révéler efficace chez les femmes », concluent les auteurs.
«Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne à paraître sur pnas.org.
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