La polypose adénomateuse familiale (PAF) est un syndrome autosomique dominant causé par une mutation germinale du « gène de la polypose adénomateuse », localisé en 5q21 (prévalence de 1/8 000 environ). La maladie se caractérise par le développement de centaines de polypes colo-rectaux pendant l'adolescence. Un cancer colo-rectal se développe chez pratiquement tous les sujets atteints au cours de la sixième décennie de la vie si une colectomie prophylactique n'a pas été réalisée.
En 1983, des régressions de polypes ont été décrites après la prise d'un AINS, le sulindac, dans des cas de PAF. Ce qui fut confirmé par des études randomisées sur le sulindac, puis sur le célécoxib (inhibiteur de la cyclooxygénase-2).
La possibilité de prévention de l'apparition des polypes en utilisant le sulindac a été ensuite naturellement évoquée. Ce qui a conduit F.M. Giardiello et coll. (Rochester et Amsterdam) a réaliser une étude randomisée, en double aveugle contre placebo pour le savoir.
Une endoscopie colique normale
Quarante et un sujets âgés de 8 à 25 ans, faisant partie de familles touchées par la maladie ont été inclus. Les sujets devaient avoir une confirmation génétique du diagnostic, mais être dépourvus d'atteinte phénotypique, c'est-à-dire avoir une endoscopie colique normale. Ils ont reçu du sulindac par voie orale, à raison de 75 ou 150 mg deux fois par jour, ou bien un placebo. Le traitement a duré quarante-huit mois.
On a évalué le nombre et la taille des nouveaux adénomes et on a recherché les effets secondaires attribuables au traitement tous les quatre mois. Les auteurs se sont aussi attachés à mesurer les taux de prostaglandines tissulaires au niveau de la muqueuse colo-rectale. Ce qui représente un moyen d'évaluation des effets locaux de l'AINS.
Les résultats de l'étude sont donc négatifs et l'AINS ne peut, en l'état de ce que l'on sait, être utilisé comme prévention des polypes dans la PAF. Si les taux muqueux de prostaglandines ont été de fait inférieurs dans le groupe prenant l'AINS, les différences en nombre et en taille des polypes qui se sont développées au cours de l'étude ne sont pas significatives entre le groupe placebo et le groupe traité : 55 % et 43 % respectivement. Et on n'a pu mettre en évidence de ralentissement de l'évolution des polypes.
Pourquoi cette approche a-t-elle échoué et quelles conclusions tirer de l'étude, s'interroge-t-on dans un éditorial ?
Le gène APC est un gène suppresseur de tumeur. La protéine tronquée, libérée lorsque le gène est muté, ne peut plus assurer la régulation de la prolifération, de la migration, de la différenciation et de l'apoptose des cellules épithéliales. Les mutations de la protéine APC concernant aussi 50 % des patients ayant une polypose adénomateuse sporadique et 80 % de ceux présentant un cancer colique.
Une résistance au produit
Etant donné le long développement de la maladie cancéreuse, sur plus d'une décennie, une chimioprophylaxie efficace doit être appliquée pendant un temps très long.
Une étude avec le sulindac a montré l'apparition d'une résistance au produit, que l'on a attribué à une diminution de l'expression de la cyclooxygénase-2 ou à une mutation du gène K-ras. « Un tel mécanisme de résistance peut expliquer le résultats décevant de Giardiello et coll. », expliquent les éditorialistes, « en dépit de la suppression des prostaglandines muqueuses, y compris la prostaglandine E2, dont on a démontré l'effet carcinogène sur les cellules du cancer colo-rectal. » Le rôle des AINS (comme l'aspirine) et des inhibiteurs de la cyclooxygénase-2, actuellement en cours d'étude dans la PAF sur des effectifs plus importants (par exemple, 1 000 sujets pour évaluer deux dosages d'asprine), n'est pas exclu dans la prévention primaire ou le traitement du cancer colo-rectal.
« New England Journal of Medicine », vol. 346 , n° 14, 4 avril 2002, pp. 1054-1058 et éditorial pp. 1085-1087.
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