De notre correspondante
à New York
Les mécanismes pathogènes à l'uvre dans les arthrites inflammatoires, comme l'arthrite rhumatoïde, demeurent mal compris, tant au niveau systémique que dans le microenvironnement articulaire. On ignore en particulier quels sont les premiers événements cliniques. Des études récentes utilisant le sérum d'une souris servant de modèle pour l'arthrite ont révélé que des autoanticorps dirigés contre un antigène exprimé de façon diffuse peut provoquer sélectivement une synovite inflammatoire et érosive. Des composants du complément (la voie alternative et le C5a), les récepteurs Fc et certaines cytokines contribuent au développement de cette synovite chez la souris, mais il reste à savoir sur quelles populations cellulaires agissent ces signaux inflammatoires (autoanticorps, complément, cytokines) afin de provoquer la pathologie de la synoviale.
Des souris déficientes en mastocytes tissulaires
Une équipe dirigée par le Dr Michael Brenner, de la Harvard Medical School à Boston, s'est demandé si les mastocytes, qui résident dans le tissu conjonctif et qui sont impliqués dans de nombreuses allergies, ne pourraient pas constituer ce lien cellulaire crucial entre les facteurs solubles et l'érosion de la synoviale. Les chercheurs ont testé cette hypothèse à travers plusieurs expériences chez la souris.
Ils ont tout d'abord étudié deux souches de souris déficientes en mastocytes tissulaires : la souche SI/SI qui est dépourvue de la forme transmembranaire du facteur de cellule souche (FCS), et la souche W/W porteuse d'une mutation dans le récepteur pour le FCS. Lorsque les chercheurs ont injecté le sérum « arthritogène » (provenant des souris servant de modèle pour l'arthrite) aux deux souches de souris déficientes en mastocytes (SI/SI et W/W), aucune des deux souches de souris n'a développé des signes cliniques ou histologiques d'arthrite.
Une seconde expérience démontré que la résistance à l'arthrite après le transfert du sérum contenant les autoanticorps est bien due à l'absence des mastocytes chez les souris mutantes. En effet, lorsque les chercheurs effectuent chez les souris mutantes une greffe de moelle complète ou une greffe des seuls mastocytes de la MO, ces souris deviennent alors sensibles au sérum arthritogène et développent une arthrite inflammatoire. Les chercheurs ont, en outre, observé qu'il survient, très rapidement après l'injection du serum arthritogène (dans l'heure), une dégranulation des mastocytes, le signe cardinal de leur activation.
Dégranulation des mastocytes
« Tout cela nous fait suggérer que les mastocytes fournissent la cible cellulaire des autoanticorps, du réseau complément, et des récepteurs Fc dans le développement ultérieur de l'arthrite inflammatoire », notent les chercheurs. « Il est probable que les mastocytes de la synoviale sont activés par des complexes immuns articulaires d'autoanticorps, ce qui suggère une réaction d'hypersensibilité aux complexes immuns dans la synoviale », ajoutent-ils.
Les mastocytes, on le sait, produisent eux-mêmes une série de molécules pouvant provoquer perméabilité, inflammation et destruction tissulaire. Les mastocytes ont déjà été impliqués dans deux types très différents de réponses immunes :
a) activés par les récepteurs pour les IgE, ils médient les réactions d'hypersensibilité immédiate associées aux phénomènes allergiques ;
b) activés par les produits microbiens, comme dans les modèles de péritonite bactérienne, ils jouent un rôle dans l'infection.
« Ici, nous apportons la preuve que les mastocytes jouent un rôle direct dans le développement de l'arthrite inflammatoire », concluent les chercheurs. « Nos résultats suggèrent que les mastocytes jouent un rôle probable dans l'arthrite humaine associée à la formation de complexes immuns, à savoir la synovite associée aux cryoglobulines au cours de l'hépatite C, l'arthrite postinfectieuse, et, peut-être, d'autres arthrite. »
« Science » du 6 septembre 2002, p. 1689.
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