POUR LES CHIRAQUIENS, c'était une bataille perdue d'avance. Jean-Louis Debré, qui aime les formules pompeuses, a beau estimer que le candidat était « la rencontre entre un homme et un peuple », cela n'empêche pas qu'au moins sur le papier la proposition de Nicolas Sarkozy semble reposer sur un principe démocratique. D'une part, Jacques Chirac a sans doute abandonné le projet de se présenter une fois encore ; d'autre part, une campagne des primaires ne signifie nullement que Dominique de Villepin ou même Alain Juppé seront écartés d'avance. Ils n'ont pas dit leur dernier mot. M. Sarkozy ne semble favorisé par sa proposition que parce qu'il a beaucoup d'entregent et qu'il est à l'aise dans la bataille électorale.
Sur la route de la présidentielle.
En principe, les militants de l'UMP désigneront leur candidat en janvier 2007. Mais leur vote peut être précédé de manœuvres diverses qui les conduiront, peut-être, à choisir un autre homme que leur président actuel. Toutefois, pour éviter de sombrer dans la théorie du complot permanent et des manipulations, il suffit d'observer la scène politique présente : on ne sait pas encore si la crise des banlieues, par exemple, a plus profité à M. Sarkozy qu'à M. de Villepin. Un récent sondage indique un regain de popularité pour le Premier ministre (sa cote est à 45 %).
Sur la route de la présidentielle, les occasions seront cependant nombreuses qui risquent d'avoir raison du chef du gouvernement, dont la tâche est extrêmement ardue. Mais il n'est pas certain que les idées du ministre de l'Intérieur en matière d'intégration lui réussissent. Il est convenu de dire qu'il semble être parvenu, avec ses prises de position sur la sécurité, à reprendre au Front national une partie de ses électeurs. Néanmoins, ses propositions pour une « discrimination positive » et pour le vote des immigrés aux municipales ne devraient pas convenir aux lepénistes.
LA FORCE DE M. SARKOZY, C'EST QUE NUL NE PEUT LE METTRE À L'ÉCART. IL EST À LA FOIS INSUPPORTABLE ET INDISPENSABLE
Comme tous les hommes éclectiques, Nicolas Sarkozy traverse allègrement les tranchées qui séparent la gauche de la droite ; ce qui explique d'ailleurs que la gauche tire sur lui à boulets rouges. A force de picorer dans plusieurs plates-bandes, il risque d'introduire un doute chez tous ceux qui aiment en lui le battant.
Sa stratégie la plus habile, c'est celle qui consiste à adopter sur chaque dossier une position différente de celle de Dominique de Villepin et donc du gouvernement auquel il appartient. Comme il a été rabroué pour plusieurs mots et désavoué pour ce que ces mots semblaient représenter, il a, non sans témérité, assumé ce qu'il disait. Racaille, voyous, Karcher, il persiste et signe, selon sa propre formule. Il en va de même avec « rupture » qui a fait moins de bruit mais représente beaucoup plus que les autres formules.
La différence entre Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin, en attendant l'arrivée de M. Juppé, c'est que le ministre de l'Intérieur est totalement affranchi de M. Chirac tandis que le Premier ministre lui est totalement inféodé. De sorte qu'il y a automatiquement, si l'on ose dire, de la sincérité, de la vérité même dans ce que dit le président de l'UMP. Comment ne pas voir en effet, et même si on est chiraquien, que le fameux « modèle social » français, toujours exalté par le chef de l'Etat, a eu ses heures de gloire mais est devenu caduc ? Comment peut-on défendre un modèle qui a produit une dette de 2 000 milliards d'euros, qui coûte encore 500 milliards d'euros par an et qui, pour avoir été hors de prix, nous a valu la reconnaissance des minorités sous la forme d'un soulèvement sans précédent des cités françaises ? Sans compter que les niveaux de pauvreté et d'exclusion en France se situent à des records. Bref, la rupture est préférable, dans cet exemple, à la continuité.
Démocratiser l'UMP.
Comme M. Sarkozy donne en même temps l'impression qu'il peut se dresser contre l'adversité, il a l'avantage de tout candidat populiste, ce qu'il n'est pas tout à fait mais à quoi il s'apparente.
Enfin, comment ignorer que Jacques Chirac a exercé pendant plus de trente ans une autorité sans partage sur le RPR, puis l'UMP ? Comment ne pas rejoindre l'idée que l'emprise d'un seul homme sur un parti pendant un temps aussi long ne peut appartenir qu'au passé et que les descendants de ce gaullisme dont il reste peu de traces doivent aérer leur maison, et la démocratiser ? Or il se trouve que l'homme de ce changement est aussi le président de l'UMP et qu'il dispose, en somme, de toute la légitimité requise. La force de M. Sarkozy, c'est que nul, même pas Chirac, ne peut le mettre à l'écart. Il est à la fois indispensable et insupportable. Mais s'il est indispensable, n'est-ce pas parce qu'il a quelque chose à faire ?
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