L E système immunitaire conçoit-il une tumeur comme du soi ou du non-soi ? Cette question est posée depuis maintenant une cinquantaine d'années et elle a entraîné de nombreuses recherches. Selon le travail d'Adrian Ochsenbein et coll. (Suisse et Nouvelle-Zélande), publié dans « Nature », la réponse immunitaire pourrait dépendre de la situation de la tumeur et des propriétés des cellules tumorales dès les phases précoces du développement.
L'équipe d'Adrian Ochsenbein a étudié différents types de tumeurs solides chez des souris immunodéprimées. Les chercheurs ont choisi des souris ayant eu des délétions de gènes telles qu'elles n'ont plus de fonctions lymphocytaires T et B. L'incidence des cancers est clairement plus élevée que chez les populations de souris normales, mais les types et les localisations des tumeurs dépendent des composants du système immunitaire qui sont absents.
Les souris déficientes pour le gène RAG (immunité adaptative) souffrent de cancers épithéliaux intestinaux. Les souris knock-out pour les gènes RAG et STAT-1 (réponses immunitaires adaptative et innée) développent de surcroît des cancers mammaires. On peut penser que l'immunité innée supprime des tumeurs au niveau de certains sites.
Mais les deux types de souris développent leurs tumeurs à un âge avancé, ce qui indique que le rôle du système immunitaire dans la limitation du développement de la tumorigenèse est plus subtile que ce que l'on suppose généralement.
Les auteurs ont corrélé l'aptitude des tumeurs à migrer vers un deuxième organe lymphoïde (ganglion lymphatique et rate) à l'activation des réponses lymphocytaires T contre les antigènes tumoraux. En considérant différentes tumeurs de souris, ils constatent que des tumeurs qui métastasent sans coloniser les ganglions lymphatiques ou la rate sont ignorées par le système immunitaire. Et ils trouvent aussi que quand des tumeurs sont injectées dans un organe lymphoïde secondaire elles se comportent de deux manières.
Forte réponse immunitaire
Les tumeurs dites « immunogènes », qui induisent une forte réponse immunitaire, se mêlent aux lymphocytes T, permettant une présentation directe de l'antigène et l'activation d'une immunité antitumorale.
Les tumeurs dites « faiblement immunogènes » croissent séparément du système immunitaire par des barrières qui empêchent l'activation de l'immunité antitumorale. Si les antigènes tumoraux atteignent les organes lymphoïdes secondaires, cela n'est pas suffisant pour activer l'immunité. Ce deuxième type tumoral constitue la majorité des tumeurs, les premières étant sans doute éliminées avant de devenir cliniquement décelables. Ou bien les tumeurs qui deviennent cliniquement détectables ont entraîné une tolérance immunitaire ou bien elles ont développé des moyens de résister à la reconnaissance immunitaire.
Immunothérapie
Quant à l'immunothérapie anti-cancer, les auteurs pensent à des possibilités d'augmenter les déséquilibres en défaveur de la tumeur, « qui, tous, dépendent d'un poids tumoral aussi faible que possible au début de l'induction des cellules T ». Ce qui doit permettre d'éviter l'échappement immunitaire et de permettre le maintien d'un grand nombre de lymphocytes T activés.
« Nature », vol. 411, 28 juin 2001, pp. 1 058-1 064 (commentaires pp. 1010-1 011).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature