On parle souvent d'elle comme d'une maladie du passé. C'est vrai que la tuberculose a exercé ses ravages au siècle dernier. Et avec la découverte des antibiotiques il y a cinquante ans, on croyait que l'épidémie était enrayée définitivement. Pourtant, décrite comme une urgence mondiale par l'OMS en 1993, elle reste encore aujourd'hui, avec le paludisme et le sida, l'une des maladies qui tuent le plus dans le monde.
En 2000, l'incidence de la tuberculose à Paris était de 50 cas pour 100 000 habitants, donc bien supérieure à la moyenne nationale de 11,2 pour 100 000 habitants et même à celles d'importantes mégapoles : 16,6 pour 100 000 habitants à New York, par exemple. « On n'assiste pas tout à fait à une recrudescence, mais, pendant dix ans, on a considéré que la tuberculose avait disparu », nuance le Dr Zoubida Djelali, directrice de la Mission tuberculose du Samu Social. Il est vrai que, d'une part, la tuberculose fait partie des maladies opportunistes du sida. Ensuite, la vaccination entre dans la catégorie de celles qui n'immuniseraient pas à 100 % le patient. En effet, elle ne protège de façon certaine que contre les formes graves de la maladie.
« Quelque part, on peut dire que c'est la maladie de la misère, poursuit le Dr Djelali ; ceux qui sont mal logés, mal nourris, mal soignés ont beaucoup plus de risques d'être infectés. »
Pourtant, le traitement est identifié, il est simple, et ce paradoxe est désolant. Les cachets doivent être pris le matin à heure fixe et à jeun. « Et ça, c'est un peu mission impossible », convient Isabelle Guegen, infirmière de l'équipe mobile.
Implantée en décembre 2000, la Mission tuberculose du Samu Social s'est fait connaître des hôpitaux qui, désormais, lui envoient des personnes chez qui ils ont détecté une tuberculose. Le traitement devant être suivi impérativement pendant six mois, les personnes ne peuvent rester à l'hôpital, et c'est alors que la Mission tuberculose prend le relais.
Cette année, sur les 23 patients suivis par la mission, certains sont placés en centres d'hébergement simple, gérés par le Samu Social ou non. D'autres sont en sanatorium. Les patients immigrants peuvent également être logés chez des compatriotes. « On ne fournit pas le même investissement selon la personne. Pour certains, il faut tout faire ; pour d'autres, il suffit de leur donner un coup de pouce. Notre mission, c'est de nous assurer qu'ils vont suivre le traitement jusqu'au bout, qu'ils ne vont pas craquer .»
Le problème, c'est que le traitement fait son effet dès les quinze premiers jours. Le malade retrouve aussitôt sa forme ; les symptômes désagréables de la tuberculose ont disparu. Les priorités des gens vivant dans la précarité sont particulières. « L'avenir pour eux, c'est demain », témoigne Zoubida Djelali. L'infirmière passe deux fois par semaine dans les centres d'hébergement simple et confie un pilulier au coordinateur. Les membres de la mission accompagnent physiquement les malades dans leurs démarches médicales. « Certains sont même incapables de patienter dans une salle d'attente pendant une heure, lorsqu'ils n'oublient pas le rendez-vous », commente Isabelle Guegen. Le Samu Social assure également une mission de soins ambulatoires, dont les infirmiers portent les médicaments directement sur les lieux de vie des malades qui refusent l'hospitalisation ou l'hébergement.
Etablir la confiance
Le bilan que dresse aujourd'hui la Mission tuberculose du Samu Social est encourageant, même si l'équipe est confrontée à une population particulièrement volatile, en non-demande de soins et supportant difficilement les contraintes d'un traitement efficace sur la durée. « Le premier contact est capital, insiste l'infirmière , il s'agit d'établir la confiance. Parfois, nous sommes sans nouvelles d'un patient ; puis, c'est lui qui nous contacte deux mois plus tard. L'important, c'est de créer le lien pour que, lorsqu'une personne a envie de se soigner, elle n'hésite pas à nous appeler. »
« On leur dit que nous serons toujours à leur disposition quel que soit leur lieu de vie », confirme le Dr Laurence Ezri, pneumologue vacataire du centre médico-social de la rue Ridder, qui se trouve juste en face de la Mission tuberculose.
Jérôme se présente aujourd'hui au centre pour un ultime contrôle. Il a terminé son traitement depuis une semaine. Il vivait dans un foyer et toussait de plus en plus. Une tâche a été repérée au poumon sur une radio au centre de dépistage Ridder. Il y est resté six mois. Aujourd'hui, il est en attente d'un logement et d'un travail conforme à sa formation d'agent d'accueil dans le tourisme. Il garde plutôt un bon souvenir de son séjour, malgré les effets secondaires du traitement (fatigue, nervosité, troubles de la vue, urine rougie, etc.).
Centraliser la lutte
« Paris est un vase clos, un lieu de brassage, comme toutes les capitales, d'ailleurs. La population y est particulièrement furtive. Il faut donc mettre l'accent sur la collaboration entre les différents partenaires de ce réseau. Centraliser la lutte antituberculose à tous les niveaux : hôpitaux publics, DASES, Samu Social, etc. Ridder est l'exemple précis de ce qui marche, mais les 1 000 tuberculoses de Paris ne se situent pas toutes entre le Samu Social et Ridder », explique le Dr Fadi Antoun, référent tuberculose de la DASES.
Le grand public a bien compris le danger de la tuberculose. La troisième journée d'action du Samu Social contre la tuberculose, dimanche, servira à maintenir cette prise de conscience et à informer sur le travail réalisé par la jeune mission. Il s'agit évidemment de récolter des fonds pour rendre durable le travail de l'équipe. « La première année, nous avions reçu des investissements privés. L'avantage, c'est la rapidité, pas besoin de passer par les méandres administratifs. Mais nous devons sensibiliser les institutions sur le rôle essentiel de notre mission », conclut le Dr Djelali. Cette mission, en effet, ce n'est pas du luxe.
Rando « Rollers et Coquillages », dimanche 16 juin. Départ 14 h 30, place de la Bastille.
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