P ARMI les infections opportunistes qui se développent dans les suites d'une infection à VIH, la tuberculose est souvent l'une des premières à apparaître, dans les pays industrialisés comme dans les pays en développement.
Des données épidémiologiques espagnoles
Afin de disposer de données épidémiologiques précises sur la co-infection par le VIH et Mycobacterium tuberculosis, une équipe d'infectiologues espagnols a procédé à une analyse rétrospective sur tous les cas d'infection concomitante dans une population de 250 000 habitants (Costa del Sol, Espagne). Au sein du centre hospitalier de référence (Malaga), 220 patients infectés par le VIH sont suivis régulièrement. Entre 1994 et 1999, une tuberculose clinique ou radiologique a été diagnostiquée chez 40 de ces malades (35 hommes et 5 femmes). La transmission du VIH avait été majoritairement d'origine sanguine (échange de seringues chez 30 d'entre eux) alors qu'une origine sexuelle a été prouvée chez 6 hétérosexuels et 2 homosexuels de sexe masculin. Chez près de la moitié des sujets de l'étude (17 sur 40), le diagnostic des deux affections a été porté de façon concomitante au moment de l'admission à l'hôpital. C'est généralement l'analyse bactériologique des crachats qui a permis de poser le diagnostic de tuberculose (chez 18 d'entre eux), alors que, dans les autres cas, c'est l'examen d'un liquide de pleurésie, ou une biopsie ganglionnaire, qui a été déterminant pour mettre en évidence la maladie. Enfin, 22 des malades étaient d'emblée atteints par une forme disséminée de tuberculose. Au moment du diagnostic de tuberculose, les patients étaient généralement très immunodéficients : 22 d'entre eux, en effet, avaient moins de 200 CD4/mm3.
Les chercheurs espagnols se sont aussi intéressés au devenir des 40 patients : 25 d'entre eux (62,5 %) ont eu une évolution clinique favorable sous traitement, 9 sont décédés (la majorité d'entre eux n'ayant pas bénéficié de traitements antirétroviraux) et 6 ont été perdus de vue.
Réponse paradoxale au traitement antituberculeux
Lors de la mise sous traitement antituberculeux, certains patients, qui présentent une co-infection VIH- Mycobacterium tuberculosis, vont développer ce que les infectiologues appellent « une réponse paradoxale ». Ce terme désigne une entité clinique particulière qui associe, malgré un traitement antibiotique adapté, une évolution clinique et radiologique des lésions et/ou une fièvre d'origine inconnue. Afin de comparer la prévalence de ce type de symptômes selon la présence ou non d'une co-infection à VIH, une équipe de chercheurs espagnols (dirigée par le Dr O. De Sola-Morales, Terrassa) a procédé à une étude cas-contrôle sur l'ensemble des patients atteints de tuberculose qui, au sein de leur centre hospitalier, avaient entre 1988 et 1999 présenté une réponse paradoxale au traitement (13 patients comparés à 35 témoins).
Au cours de la période étudiée, 781 cas de tuberculose ont été recensés à l'hôpital de Terrassa. Parmi eux, 84 présentaient une infection à VIH.
« En se basant sur la population globale, 13 patients ont présenté une réponse paradoxale (10 hommes et 3 femmes, d'âge moyen 36 ans). Neuf d'entre eux (dont 8 hommes) étaient co-infectés par le VIH. Agés en moyenne de 34 ans, ils présentaient à l'examen biologique une baisse du nombre de CD4 (93/mm3). Sept d'entre eux étaient, au moment du diagnostic de tuberculose, traités par des antirétroviraux », expliquent les auteurs. Après la mise en place du traitement antituberculeux, l'incidence des réponses paradoxales a été significativement plus élevée dans la population atteinte par le VIH que dans la population témoin (p > 0,05). Chez l'ensemble des patients atteints, la poursuite du traitement antibiotique associée à la mise en place d'un traitement antipyrétique a permis une résolution des symptômes dans les 4 jours suivant le début de la réponse paradoxale.
VIH et tuberculose infantile
Comme le rappelle le Dr W. Rennert (Johannesburg, Afrique du Sud), « le diagnostic de la tuberculose chez les enfants infectés par le VIH reste difficile. Pourtant, on connaît bien, en se basant sur des études épidémiologiques, la corrélation entre ces deux affections chez les adultes. En revanche, les premières séries d'examens post mortem pratiquées chez des enfants n'ont pas permis de confirmer cette corrélation ». Afin de mieux préciser le lien entre les deux maladies, les chercheurs sud-africains ont procédé à des autopsies de 93 enfants infectés par le VIH et dont le décès a été attribué à des causes respiratoires. Un examen histologique et par PCR de biopsies hépatiques et pulmonaires a été pratiqué. Au moment du décès, si l'on s'en réfère aux données cliniques d'hospitalisation, un diagnostic de tuberculose avait été posé chez 4 patients. Seize autres étaient sous traitement antituberculeux empirique en l'absence de résultats des prélèvements bronchiques effectués en hospitalisation. Le tableau clinique de tous les patients - qu'une infection par Mycobacterium tuberculosis ait été diagnostiquée, suspectée ou que le patient en ait été indemne - s'est révélé en tout point similaire (saturation en oxygène, tachypnée, crépitants, fièvre...). Pour les auteurs, « la similarité dans la présentation clinique entre les patients atteints de manifestations pulmonaires du VIH et ceux atteints de tuberculose rend le diagnostic difficile, voire impossible. Dans la mesure où les études cliniques semblent surestimer la prévalence de la tuberculose dans cette population, nous estimons que la mise en place d'un traitement antituberculeux prophylactique chez les enfants atteints par le VIH ne doit pas être systématique mais à apprécier en fonction du contexte familial et clinique ».
« HIV Opportunistic Infections and Malignancies », d'après les communications des Drs W. Rennert (Johannesburg), O. De Sola-Morales (Terrassa) et M. Santin (Malaga)
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature