Le fait que des tests sensibles de mesure de la TSH sérique soient largement disponibles a conduit à constater que les concentrations de TSH sont souvent basses chez des sujets qui ont une fonction thyroïdienne apparemment normale. Ce qui a conduit à décrire l'hyperthyroïdie infraclinique, définie par l'association d'une TSH basse à des taux normaux de T3 et T4 circulantes. Cette association est fréquente chez les personnes qui prennent de la thyroxine, celles qui ont un goitre et celles qui sont traitées pour une hyperthyroïdie. Dans ces situations, la TSH basse est mise sur le compte d'un léger excès d'hormones thyroïdiennes. Mais qu'en est-il dans la population tout-venant ?
Hyperthyroïdie infraclinique
Dans les régions non carencées en iode, l'hyperthyroïdie infraclinique est fréquente : 3,9 % des adultes tous âges confondus (TSH inférieure ou égale à 0,2 mU/l) et 5,39 % des plus de 60 ans (TSH inférieure ou égale à 0,5 mU/l). Les chiffres sont probablement plus élevés dans les régions carencées en iode.
Bien que l'hyperthyroïdie infraclinique soit fréquente, donc, les conséquences cliniques de ces anomalies biochimiques ne sont pas claires. Il existe un débat sur ses conséquences sur le métabolisme osseux et sur le système cardio-vasculaire. On sait en effet que, à des doses supprimant la TSH, la thyroxine réduit la densité minérale osseuse (ce qui soulève des questions sur d'éventuelles fractures ostéoporotiques). De même, on s'interroge sur la tolérance cardio-vasculaire d'un traitement substitutif.
Chez les sujets de plus de 60 ans de l'étude de Framingham, on a observé que ceux qui ont une suppression de la TSH (moins de 0,1 mU/l) ont un risque relatif de 3,1 de développer une fibrillation auriculaire. Mais cette étude n'a pas évalué l'association entre TSH basse et mortalité. D'où le travail publié maintenant dans le « Lancet » par James Parle et coll.
Ce nouveau travail a porté sur 1 191 individus âgés de 60 ans ou plus au 1er juin 1988. Etaient exclus ceux qui prenaient de la thyroxine ou des antithyroïdiens. Un échantillon sanguin a été prélevé à chacun des sujets entre le 1er juin 1988 et le 30 mai 1989 et stocké à - 20 °C jusqu'à la réalisation du dosage de la TSH par un test de deuxième génération. Les sujets qui avaient une TSH anormale étaient examinés cliniquement une fois par an et avaient des test répétés.
Sur les 1 191 sujets, 71 (6 %) avaient des taux de TSH inférieurs à la normale (dont 20 avaient des valeurs inférieures à 0,1 mU/l, c'est-à-dire, indétectables) et 94 (8 %) avaient des valeurs supérieures à la normale.
Un des sujets avait une hyperthyroïdie patente (avec T4 libre élevée) et a commencé un traitement. Parmi les 70 sujets avec hyperthyroïdie infraclinique, 25 (34 %) avaient une grosse thyroïde à l'examen clinique, mais aucun n'avait d'autres manifestations de maladie thyroïdienne ; 69 étaient en rythme sinusal et 1 était en fibrillation auriculaire lors de la prise de sang.
TSH basse : 6 % des sujets testés
Pendant le suivi, 3 patients en hyperthyroïdie infraclinique ont développé une hyperthyroïdie patente au bout de 2, 3 et 4 ans.
La durée moyenne de l'étude a été de 8,2 ans, ce qui représente un total de 9 733 personnes-années d'observation.
Pendant le suivi, 509 des 1 191 sujets sont décédés, ce qui, étant donné l'âge, est très proche de ce à quoi on pouvait s'attendre (496).
Pour ce qui est des sujets avec TSH normale ou haute, la mortalité était celle que l'on attendait. En revanche, dans les groupes hyperthyroïdie infraclinique, la mortalité à 2, 3, 4 et 5 ans a été plus élevée qu'attendue. Chez ces patients par rapport aux autres sujets de l'étude, on a observé une augmentation significative de la mortalité toutes causes confondues et spécialement des décès d'origine cardio-vasculaire, mais pas d'autres causes majeurs (cancers, maladies respiratoires).
Evaluer une intervention thérapeutique
« Les patients ayant une TSH basse à l'entrée dans l'étude avaient un net désavantage en termes de survie au cours des cinq premières années du suivi », soulignent les auteurs. « Nos résultats montrent qu'une seule concentration de TSH basse prédit une augmentation de la mortalité toutes causes confondues et de la mortalité circulatoire. »
Il faut rappeler que Sawin et coll. ont déjà montré une augmentation de la fréquence de la fibrillation auriculaire (FA) chez les individus ayant une TSH basse ; or la FA est un facteur de risque connu d'événement cardio-vasculaire.
« Nos résultats renforcent la notion selon laquelle, chez les personnes qui ont une baisse persistante de la TSH sérique, il faudrait envisager un traitement (typiquement l'iode radioactif) pour restaurer une fonction thyroïdienne biochimique normale, avec l'objectif de réduire l'augmentation de la mortalité. Une étude prospective doit être conduite pour évaluer cette intervention », concluent les auteurs.
« Lancet » du 15 septembre 2001, pp. 861-865.
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