Le dépistage des troubles mentaux, de la naissance jusqu'à l'adolescence, doit s'appuyer sur le dispositif de santé existant de surveillance systématique, préconise un groupe d'experts de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), appelé à réfléchir sur le sujet à la demande la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs indépendants (1).
Les experts recommandent l'intégration « des indicateurs du développement sensori-moteur, cognitif et émotionnel » dans les rubriques du carnet de santé, et, dès le 9e mois, une évaluation de l'attention et de la mémoire. Il ne faut plus comparer les enfants à « une moyenne », comme aujourd'hui, mais définir un « score individuel de développement ».
Le dépistage de l'autisme est conseillé dès 18 mois (voir encadré), par le questionnaire CHAT (Check List for Autism in Toddlers). Il porte « sur le jeu social, le jeu symbolique, le pointage protodéclaratif (fait de montrer du doigt des objets intéressants à quelqu'un) ou encore l'attention conjointe ».
A l'entrée en maternelle, les experts jugent utile de « rechercher les retards au niveau de la parole, les difficultés de concentration, les accidents et les chutes fréquentes » pouvant être signes d'hyperactivité. Une « mallette d'évaluation du développement », sous forme de jeu, pourrait être conçue et utilisée, dans cette perspective, par les omnipraticiens et les pédiatres.
En ce qui concerne l'actuel examen de santé, obligatoire, à 5-6 ans, avant l'entrée en primaire, il conviendrait de lui donner « un contenu homogène dans tous les établissements scolaires ». La création d'un « livret » contribuerait à informer les médecins scolaires, les infirmières, les enseignants et les parents sur les troubles pouvant s'exprimer à cet âge.
A la préadolescence et à l'adolescence - examen obligatoire à 11-12 ans (2) -, des troubles anxieux, comme le trouble panique, dépressifs ou du comportement alimentaire, à l'instar de l'anorexie et de la boulimie, peuvent apparaître. Il est donc important d'effectuer un bilan, affirment les experts. « Une baisse des résultats scolaires en 6e ou en 5e est souvent révélatrice d'un trouble anxiodépressif », estiment-ils. Des questionnaires, en cours de validation, serviraient à dépister ces difficultés.
En outre, pour l'INSERM, le repérage de troubles mentaux, dans le cadre des bilans systématiques en population générale, « doit se poursuivre nécessairement par un suivi chez le spécialiste », seul capable « de poser un diagnostic et de faire une évaluation complète ».
Pour que toutes ces recommandations soient appliquées, un préalable est à satisfaire : informer (par la création d'un site Internet) et former tous les acteurs en contact avec les enfants. Les parents, les enseignants et les éducateurs, « les plus à même de repérer les premiers signes d'un trouble mental », sont visés ainsi que les généralistes, qui effectuent les examens des 24 premiers mois dans 60 % des cas, les pédiatres, qui interviennent à 90 % dans les 8 jours suivant l'accouchement, et les médecins scolaires et de PMI, « capables de reconnaître un trouble et d'orienter l'enfant vers les structures adaptées pour le diagnostic et la prise en charge ».
Reconnaître le temps passé au repérage
Sans oublier les pédopsychiatres, « susceptibles de transférer les résultats de la recherche à leur pratique clinique ». « Par exemple, les données issues de l'imagerie cérébrale des troubles mentaux de l'enfant et de l'adolescent, et plus généralement celles qui concernent la maturation cérébrale, ne font pas partie de l'enseignement classique des études de spécialisation du psychiatre, ni du pédopsychiatre », relèvent les experts. La participation des chercheurs à des activités d'enseignement permettrait d'y remédier.
L'INSERM demande aux pouvoirs publics de reconnaître le temps passé au repérage des facteurs de risque et des signes d'un trouble mental éventuel « par l'inscription de l'acte médical à la nomenclature ».
Enfin, le groupe d'experts insiste sur la nécessité d'avoir « une meilleure connaissance de la situation française en termes de prévalence, d'incidence et d'évolution des troubles mentaux, et pour cela de valider des outils de dépistage des troubles ». Il pointe « l'intérêt d'études longitudinales pour évaluer l'impact de différents facteurs (génétiques et d'environnement) et leurs interactions dans le développement des troubles mentaux ». Quant à « la recherche des mécanismes sous-tendant les troubles mentaux (elle) doit intégrer les disciplines explorant le fonctionnement du cerveau (neurobiologie, imagerie, neurocognition, psychologie expérimentale, etc.) et s'appuyer, aussi, sur de nouveaux modèles animaux d'anomalies du développement ».
(1) L'expertise collective, intitulée « Troubles mentaux : dépistage et prévention chez l'enfant et l'adolescent », a été réalisée avec le concours, notamment, de Pierre Gressens, neurobiologiste du développement, équipe INSERM 9935, de l'hôpital Robert-Debré de Paris, et des professeurs de psychiatrie Daniel Bailly, de l'hôpital Sainte-Marguerite de Marseille, et Eric Fombonne, de l'Hôpital canadien pour enfants de Montréal.
(2) D'autres examens sont proposés actuellement, sans être obligatoires - comme ceux à la naissance, aux 4e, 9e et 24e mois - au 4e mois, à 18-24 mois en Ile-de-France seulement, et à 3-4 ans.
Autisme : les signes qui doivent alerter
Même s'ils ne sont pas exclusivement spécifiques à l'autisme, certains déficits doivent alerter les médecins, et déclencher un examen secondaire chez un pédopsychiatre :
- pas de babillage à 12 mois ;
- pas de geste type pointage ou au revoir de la main à 12 mois ;
- pas de mots à 16 mois ;
- pas de combinaison de deux mots spontanée à 24 mois ;
- n'importe quelle perte de compétence (de langage ou sociale) à tout âge.
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