Troubles du rythme : l'essor des techniques ablatives

Publié le 03/12/2002
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REFERENCE

Fibrillation auriculaire

La fibrillation auriculaire, trouble rythmique le plus répandu, touche environ cinq millions de patients dans le monde. Sa prévalence est d'environ 1 % dans la population générale, mais elle augmente considérablement avec l'âge : de 4 % à partir de 60 ans, elle atteint 10 % chez les sujets de 80 ans et, avec l'allongement de la durée de vie, le nombre de patients atteints devrait encore s'accroître.
Les symptômes qu'elle provoque (palpitations, gêne respiratoire, douleurs, fatigue...) altèrent leur qualité de vie, et certaines de ses complications compromettent le pronostic vital.
En effet, quelle que soit son origine (survenue sur coeur morphologiquement sain ou associée à une valvulopathie ou à une cardiomyopathie), la fibrillation auriculaire peut avoir deux conséquences :
- une altération de la fonction cardiaque (amputation de 10 à 35 %) qui majore le risque d'insuffisance cardiaque ;
- la survenue d'accidents thrombo-emboliques : la désynchronisation des oreillettes favorise la formation de caillots à potentiel embolique, responsables d'un tiers des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Dans la majorité des cas, la fibrillation auriculaire est une affection irréversible qui nécessite un traitement pharmacologique continu ou une intervention curative.
Le traitement pharmacologique repose sur les médicaments antiarythmiques associés à des anticoagulants pour prévenir les accidents thrombo-emboliques.
Ce traitement, qui permet de contrôler la fibrillation auriculaire dans environ 50 % des cas, impose une surveillance étroite en raison du risque d'effets secondaires parfois graves induits par ces deux types de médicaments.
Chez les patients résistants au traitement pharmacologique, les traitements curatifs de la fibrillation auriculaire - chirurgie cardiaque ou ablation par radiofréquence - consistent en l'isolation des foyers d'excitation ou l'interruption des circuits anormaux responsables de l'arythmie.

L'ablation par radiofréquence

Pratiquées depuis une vingtaine d'années, les méthodes ablatives par radiofréquence, dont le but est de détruire un substrat arythmogène, connaissent un développement considérable et voient leurs indications se développer dans le traitement des arythmies cardiaques.
Réservées initialement au traitement des tachycardies supraventriculaires réfractaires au traitement pharmacologique, elles ont aujourd'hui fait leurs preuves dans le traitement radical de la fibrillation auriculaire et dans certaines tachycardies ventriculaires : l'année dernière, 5 000 procédures d'ablation de fibrillations auriculaires ont été réalisées dans le monde, dont 2 500 aux Etats-Unis et 800 en France.
La technique ablative utilise des ondes de radiofréquence délivrées par des sondes-cathéters introduites par les veines fémorales. Un courant électrique est délivré précisément sur les zones anormales qu'elles détruisent par cautérisation. La création de lignes droites ou courbes par radiofréquence exige une succession de points contigus sans laisser la moindre faille, permettant le passage de l'influx qui annihilerait la qualité des résultats.
L'équipe d'électrophysiologistes de l'hôpital cardiologique de Pessac est la première à avoir démontré l'origine focale de la fibrillation auriculaire et montré que les foyers déclencheurs se situent au niveau des veines pulmonaires.
« Les veines pulmonaires qui s'abouchent dans l'oreillette gauche contiennent des groupes de cellules myocardiques excitables qui envoient des impulsions très rapides, initiant la fibrillation auriculaire. En raison de la multiplicité des foyers, la technique opératoire consiste en l'isolation des veines pulmonaires, geste qui à lui seul permet la guérison de 50 à 70 % des patients et la suppression du traitement antiarythmique et anticoagulant. La création de barrières ou lignes dans le tissu atrial augmente le taux de succès à 85 %, transformant de façon spectaculaire la qualité de vie des patients », explique le Pr Michel Haïssaguerre (hôpital cardiologique de Pessac).

Des freins

La complexité de cet acte technique, qui exige une spécialisation médicale particulière pour minimiser les risques potentiels de l'intervention, le faible nombre de centres experts en France, le faible nombre d'électrophysiologistes formés, le coût élevé de l'intervention (utilisation de matériel spécifique à usage unique), le fait que l'acte ne soit pas reconnu dans la nomenclature actuelle sont des freins à l'expansion de cette technique qui a cependant fait ses preuves.

Quatrième Symposium international sur les techniques ablatives : « Nouvelles perspectives en cardiologie interventionnelles. » Conférence de presse avec la participation des Prs E. Aliot (Nancy) et M. Haïssaguerre (Pessac)

Dr Micheline FOURCADE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7232