« L ES troubles du langage chez l'enfant de maternelle sont un problème complexe », prévient d'emblée le Dr Catherine Billard (CHU Bicêtre). Deux écueils doivent être évités : croire que « tout s'arrangera avec le temps », avec le risque de méconnaître une dysphasie sévère, et, à l'inverse, pathologiser à tort, alors que le trouble constaté peut être transitoire.
Il faut d'abord différencier troubles spécifiques et troubles secondaires, en pratiquant un bilan complet qui comporte un audiogramme (indispensable), une analyse des comportements et des capacités de communication, un examen neurologique, essentiellement clinique, et enfin une évaluation des troubles cognitifs éventuels.
Le premier objectif de ce bilan est « d'orienter l'enfant vers le bon professionnel ».
Les retards sont les troubles les plus fréquents. Fonctionnels, modérés, ils sont transitoires, mais peuvent être suivis de dyslexie. En effet, la conscience phonologique est indispensable à la mise en place de la voie d'assemblage dans l'apprentissage de la lecture. Les troubles du langage oral permettent ainsi de prédire les futures difficultés du langage écrit. L'enjeu est important, puisque 20 % des adultes qui sont en situation de précarité professionnelle sont des dyslexiques.
Chaque année, il y a 7 000 nouveaux cas de dysphasie en France. Comme l'explique Mme Touzin (orthophoniste, CHU Bicêtre), les dysphasies sont des troubles beaucoup plus graves, pouvant être sévères, durables, qui ne s'accompagnent d'aucun trouble neurologique ou auditif et ne reçoivent aucune explication. Ils apparaissent chez des enfants intelligents, très conscients de leur déficit. Leur rééducation doit commencer le plus tôt possible, dès que l'enfant est en mesure de coopérer.
Dès la maternelle
Quelles qu'en soient la nature et la gravité, tout trouble du langage persistant à l'âge de 5 ans nécessite une rééducation. Le dépistage en maternelle est donc fondamental. Il est du ressort des médecins scolaires. A Paris, explique le Dr Geneviève Richard (médecin chef du service de Santé Scolaire), il se fait maintenant après repérage par l'enseignant au moyen d'un questionnaire. De plus, à chaque section de maternelle correspond le dépistage d'un trouble sensoriel et, en grande section, les enfants bénéficient d'un bilan de santé complet, en présence de leurs parents.
Ces mesures sont accompagnées d'un effort de prévention en direction des adultes : parents, enseignants, éducateurs. Les troubles du langage sont en effet très souvent méconnus, avec pour conséquence des attitudes inappropriées, souvent négatives.
L'âge de début de la rééducation dépend de la nature et de la gravité des troubles constatés, ainsi que de leurs répercussions sur l'enfant. Son rythme dépend, lui, de la gravité, pouvant aller de une à deux séances par semaine pour les retards simples à plus de trois par semaine pour les dysphasies sévères. Il faut insister pour qu'elle soit effectuée sur le temps scolaire. La plupart des orthophonistes exerçant en libéral, le recours aux centres spécialisés n'intervient que pour les troubles les plus lourds. La durée de la rééducation est donnée par le retour à l'adaptation scolaire et sociale. Quand les troubles sont simples, le retour à la fonctionnalité du langage peut suffire, à condition de surveiller l'enfant par la suite. Il est souvent possible d'interrompre quelque temps la prise en charge.
Enfin, celle-ci demande de toute façon le traitement des autres troubles éventuellement constatés, l'indispensable coopération des parents et l'adaptation de la pédagogie menée vers l'enfant.
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