Les troubles délirants du sujet âgé constituent une occasion fréquente de recours au médecin généraliste ou au psychiatre. Ils sont difficiles à supporter par l'entourage proche. Les plus bruyants sont les délires persécutifs et éventuellement hallucinatoires. Ces troubles peuvent se rapporter à une pathologie délirante chronique ancienne et vieillie. Ils surviennent alors chez un patient psychotique, connu depuis longtemps des services psychiatriques. Ils peuvent associer, dans ces formes les plus anciennes, les divers mécanismes de l'hallucination, de l'interprétation, de l'illusion et de l'intuition ou prendre un masque restreint à l'un de ces mécanismes. Les thématiques d'empoisonnement et de persécution sont fréquentes. Le délire, quoique chronique, peut être aussi d'évolution plus récente, c'est-à-dire dans le contexte de la dernière partie de la vie. Ce sont alors surtout des délires interprétatifs, qui portent sur la mémoire et sur l'oubli, car la majorité d'entre eux trouvent leur origine dans les syndromes démentiels. C'est également le cas dans la psychose hallucinatoire chronique, où le mécanisme est, comme le nom l'indique, à prédominance hallucinatoire. Toutefois, ces hallucinations se reconstruisent au cours de l'évolution et se systématisent avec des mécanismes interprétatifs, formant alors un syndrome d'influence. Les troubles délirants peuvent enfin constituer la manifestation inaugurale d'une pathologie, qui survient brutalement et pour la première fois à cette période tardive de l'existence. Elles sont alors extrêmement florides, à prédominance hallucinatoire avec des hallucinations visuelles et un grand degré d'anxiété. L'urgence est alors de déterminer s'il s'agit en fait d'une confusion mentale.
Préciser l'évolutivité et le contexte du délire
L'importance de préciser, face à un patient délirant âgé, l'évolutivité du délire trouve donc sa justification dans le fait que cette progression renvoie à des organisations psychopathologiques spécifiques. Pour ce faire, les thématiques et les mécanismes du délire ne suffisent pas. Il faut aussi rechercher des antécédents psychiatriques qui sont parfois difficiles à repérer dans le contexte d'un isolement, par exemple. Il faut ensuite étudier l'organisation du délire et son degré de systématisation. Plus le délire est systématisé, plus il est, en général, ancien : en effet, du fait de sa pérennisation, le sujet tend à réorganiser sa pensée au fur et à mesure. Le délire aigu est plus diffus, il est souvent diffluent, avec un contenu anxiogène très important. Ce vécu à prédominance hallucinatoire, avec des hallucinations visuelles marque aussi, par le degré d'obnubilation dans lequel il plonge le sujet. On étudiera enfin le contexte psychiatrique. Le délire chronique doit d'abord renvoyer à un processus psychotique. Mais une dépression ou un trouble démentiel peut aussi induire un délire ou en modifier le contenu. Le délire d'évolution plus récente à prédominance hallucinatoire évoque la psychose hallucinatoire chronique, et pour les Anglo-Saxons, une schizophrénie de révélation très tardive (après 65 ans). Il s'agit toutefois de cas très marginaux, dont l'existence reste discutée.
Les délires aigus, souvent organiques
Quant au délire aigu, l'étiologie principale est organique et avant tout cérébrale : syndrome démentiel, épilepsie ou toute cause de souffrance cérébrale. Elle peut également avoir une autre origine, par exemple un trouble métabolique, un infarctus du myocarde ou même un syndrome occlusif. Lorsqu'il existe un syndrome déficitaire sous-jacent, le symptôme délirant peut être inaugural, notamment lorsque l'entourage peine à reconnaître la réalité du processus démentiel. Tout se passe alors comme si le sujet délirant utilisait cette symptomatologie pour révéler coûte que coûte le phénomène démentiel. Enfin, il existe une personnalité particulière qui tend à délirer, la personnalité narcissique. Le délire est alors l'expression d'une souffrance, d'une douleur organique ou d'une difficulté qui n'est pas compatible avec l'image que le sujet âgé avait jusque-là de lui-même.
Hospitaliser pour une prise en charge adaptée
Face à la diversité des origines du délire, la prise en charge peut imposer une hospitalisation en milieu psychiatrique, géronto-psychiatrique ou gériatrique pour évaluer la cause du trouble, ses modalités d'installation et prendre les dispositions adéquates. Dans le cas d'une pathologie ancienne, il faut réévaluer le traitement neuroleptique, parfois remettre en route un traitement brutalement interrompu puis l'adapter en s'interrogeant sur la possibilité de prescrire des neuroleptiques atypiques. Il ne faut jamais méconnaître la possibilité d'un syndrome dépressif, également à traiter. Dans le cas de la psychose hallucinatoire chronique, le traitement visera davantage à traiter la cause psychiatrique associée qu'à faire céder le délire. En ce qui concerne la confusion mentale, après un bilan somatique complet, l'objectif est d'obtenir une sédation anxieuse avant même la sédation délirante. Dans tous les cas, les médicaments à préférer aujourd'hui pour traiter les troubles délirants du sujet âgé sont les neuroleptiques atypiques (Risperdal, Iprexa, Tiapridal) qui ont moins d'effets indésirables que les neuroleptiques classiques.
D'après un entretien avec le Dr Jérôme Pellerin, chef du service de gérontologie-psychiatrie, hôpital Charles-Foix (Ivry).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature