« Il y a trois à quatre fois plus de bipolaires dans les prisons que dans l'ensemble de la société. Même si les études épidémiologiques sont encore peu nombreuses en milieu carcéral, on estime qu'il y a entre 20 et 32 % de bipolaires », souligne le Dr Christian Gay, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, à Paris. Les troubles bipolaires concernent près d'un million de personnes, soit 1,5 % de la population. Ces patients sont-ils pour autant dangereux pour la société ? Probablement non, à condition qu'ils soient traités dès les premiers symptômes.
Il reste que suicides, souffrances personnelles, désocialisations familiales et professionnelles, actes transgressifs et dangereux sont autant de facteurs qui en font, selon l'OMS, l'une des dix maladies les plus handicapantes et les plus coûteuses. Le colloque organisé à Paris par l'ARTB** avait notamment pour objectif de stimuler le dialogue entre professionnels de santé et pouvoirs publics pour une meilleure prise en compte de ces troubles.
Les homicides commis par des bipolaires en phase dépressive sont relativement rares. Ce type de passage à l'acte est en général associé à une pathologie délirante. Les crimes et délits des bipolaires concernent le plus souvent des infractions contre les biens : incendies mais surtout vols et kleptomanie en raison d'un état de mégalomanie, de dépenses inconsidérées, de recherche de sensations fortes, de désinhibition et de comportements ludiques. L'hypersexualité liée à la phase maniaque peut parfois conduire le bipolaire à commettre des infractions sexuelles. Il reste que 80 % des délits commis par des bipolaires le sont avant que le diagnostic ait été posé et donc avant que le patient ait été soigné.
Les conséquences de cette pathologie ne sont pas seulement d'ordre médico-légal. Le retentissement familial est très lourd : quatre cinquièmes des couples formés par au moins un bipolaire finissent par un divorce ou une séparation et 90 % des membres d'une famille d'un bipolaire rapportent « une détresse moyenne ou majeure ». La stigmatisation de cette pathologie est ressentie par le patient comme par ses proches. Sur le plan social, seulement 45 % des bipolaires exercent une activité professionnelle. Enfin, un cinquième des bipolaires meurent par suicide. Ainsi, les troubles maniaco-dépressifs représentent 21 % du coût des troubles mentaux dans leur ensemble.
* Secrétariat : Christian Gay, 274, bd Raspail, 75014 Paris.
** Avec le soutien de l'INSERM, du « Quotidien du Médecin » et de la Fondation pour la recherche médicale.
La maladie des grands hommes
Le film de Stephen Daldry, « The Hours », actuellement sur les écrans, commence par le suicide de Virginia Woolf. L'auteur britannique, jouée par Nicole Kidman, est un des cas les plus connus de maladie maniaco-dépressive, d'autant qu'elle a elle-même largement décrit ses troubles. La plus grande prévalence de cette pathologie chez les artistes, notamment les poètes et les écrivains, est incontestable. Ils sont soumis à des phases de quelques heures ou de quelques jours où ils sont pris d'une folie créatrice mais où ils peuvent également commettre des actes qu'ils regrettent ensuite.
Byron, Poe, Balzac, Hemingway, Goethe, Berlioz, Schumann sont quelques-uns des nombreux bipolaires célèbres. La pathologie touche très souvent des hommes politiques : Napoléon, Cromwell, Alexandre le Grand, Roosevelt ou Churchill sont d'autres bipolaires entrés dans l'Histoire. Enthousiasme, confiance en soi, fluidité de la pensée, réduction du besoin de sommeil, hypersensibilité aux sons et aux couleurs : la phase maniaque peut présenter des avantages.
« Il ne s'agit pas de faire de la maladie une condition de la création, mais la maladie maniaco-dépressive peut avoir des avantages à condition qu'il s'agisse d'une forme très atténuée ou que les troubles aient été stabilisés par un traitement adapté », souligne le Pr Marc-Louis Bourgeois (Bordeaux).
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