« Gabrielle », de Patrice Chéreau

Trop lointaine

Publié le 04/10/2005

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PATRICE CHÉREAU se dit libre aujourd'hui par rapport au théâtre, « libre de ce qu'on me dit régulièrement sur le "cinéma-qui-n'est-surtout-pas-le-théâtre", libre d'être un metteur en scène de cinéma et de théâtre. » Libre donc, selon toutes apparences, de signer un film théâtral, qui doit tout à la mise en scène et à la direction d'acteurs plus que sensibles.
Le scénario de « Gabrielle » a été écrit avec Anne-Louise Trividic, comme « Intimité » et « Son frère », les deux précédents films de Chéreau. Il s'inspire d'une nouvelle de Joseph Conrad intitulée « le Retour » : une femme quitte son mari puis revient presqu'immédiatement. Une femme énigmatique dont Chéreau et Trividic ont développé le personnage pour mieux explorer les relations d'un couple, confronté à l'absence de désir.
Tout se passe dans la magnifique demeure de ce couple riche qui vit au début du XXe siècle. Derrière les apparences brillantes de la réussite, concrétisées par les dîners du jeudi soir, très courus de la bonne société, c'est une faille existentielle qui se fait jour.
Costumes, décors, lumières, images léchées, gros plans cadrés au millimètre, dialogues ciselés : c'est très beau. La mise en scène est superbe, avec en particulier les jeux entre le noir et blanc et la couleur. Et les deux acteurs, comme on n'en doutait pas, irréprochables.
D'où vient alors que l'on est davantage occupé à admirer la technique qu'à partager les affres des deux protagonistes ? Que l'on admire le visage d'Isabelle Huppert où coulent une ou deux larmes ou le phrasé impeccable de Pascal Greggory pour exprimer la frustration sans être plus ému que cela ? Peut-être de ce qu'il n'est pas facile de s'identifier à ces personnages corsetés d'un autre temps. La musique qu'utilise Chéreau pour souligner les temps forts est quelque peu envahissante aussi. La forme prend trop le pas sur le fond et les malheurs de Gabrielle, sa frustration essentielle, finalement, nous laissent froids.

> R. C.