BILL BLANK s'apprête à aller écouter George Bush. Le président des Etats-Unis, candidat à sa propre succession, tient un meeting électoral à La Crosse, dans le Wisconsin, près de chez ce jeune retraité de l'ophtalmologie. Un événement qui ne se rate pas, même si le Dr Blank, 62 ans, redoute par avance que le sujet de la santé ne soit pas à l'ordre du jour de ce rassemblement (1).
Car si l'assurance-maladie est indéniablement un des thèmes de cette campagne, elle en est, estime Bill Blank, un thème mineur. Dommage. Car « on a besoin d'en parler plus. » Sans faire de catastrophisme - « Il y a des problèmes, oui, mais y a-t-il une "crise" ? je n'en suis pas certain » -, cet ophtalmologiste réputé, qui a fini sa carrière à la clinique Gundersen de La Crosse, pense que certaines vérités sont aujourd'hui bonnes à dire : « Aux Etats-Unis, actuellement, on ne s'intéresse pas beaucoup à la qualité de la médecine ; ce qui importe, c'est son prix ! »
Le Dr Blank analyse les dernières évolutions du système du point de vue du médecin mais aussi du point de vue du patient potentiel qu'il est, inscrit dans une HMO. « Si je dois un jour me faire opérer, explique-t-il, il faudra que j'aille à La Crosse, pas dans la clinique Mayo, de Rochester. Cet établissement mondialement connu n'est pas loin de chez moi, mais il ne figure pas dans mon contrat. »
Dans ses habits de médecin, Bill Blank fait preuve de philosophie. Certes, dit-il, la politique du « managed care » a compliqué la vie des médecins en réglementant leur pratique à outrance - « choisir un médicament, dire combien de temps un patient doit être hospitalisé... tout est désormais codifié ; cela n'existait pas quand j'étais jeune médecin et que la plupart d'entre nous avions un bureau privé » - mais les médecins s'y sont faits. La multiplication des procès intentés aux spécialistes - et, partant, la hausse vertigineuse de leurs primes d'assurance - est une autre paire de manches : plus que de regretter une liberté perdue, les médecins américains souffrent aujourd'hui de la judiciarisation de leur pratique. Le Dr Blank en est certain qui montre du doigt le colistier de John Kerry, l'avocat multimillionnaire John Edwards, spécialiste de la traque aux dommages et intérêts : « Cet homme a fait fortune avec des procès contre des médecins ! », s'emporte notre ophtalmologiste dont on devine qu'il n'apprécierait que modérément de voir ce symbole vivant franchir la porte de la Maison-Blanche sur les talons de John Kerry.
(1) Finalement, le candidat républicain profitera de ce meeting à La Crosse pour évoquer la question des procès faits aux obstétriciens et celle des difficultés rencontrées par les petites entreprises pour payer les contrats d'assurance-maladie de leurs employés.
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