LE GOUVERNEMENT doit se garder de tout triomphalisme : plus il sera discret sur sa chance, moins les militants syndicaux auront envie de prendre leur revanche. Il est clair toutefois que les pouvoirs publics ont pris à revers les syndicats, lesquels ont fait des grèves monstres pour les retraites, avec un aveuglement qui leur a fait ignorer la nécessité et même l'inévitabilité de la réforme ; leurs adhérents, comme le public, ne sont plus très sûrs de la validité de leur mouvement.
C'est son style, c'est lui.
Et il en va de même pour les enseignants, les lycéens et une partie des parents d'élèves : ils ont manifesté jusqu'à saturation. Or, loin de s'inquiéter d'une crise sociale capable de déboucher sur une explosion (ils n'ont pas manqué, les Cassandre qui nous ont mis en garde à ce sujet), le gouvernement s'est livré, ces derniers jours, à une sorte de défense par l'offensive : trahissant la promesse formelle de Xavier Bertrand, ministre de l'Emploi, il se propose d'abolir purement et simplement les 35 heures ; à l'Éducation nationale, Xavier Darcos poursuit sa réforme en s'attaquant maintenant à l'enseignement secondaire ; la France ne s'est pas opposée à une directive européenne qui élève le plafond des heures travaillées à 48 heures par semaine, ce qui constitue une provocation ; les dispositions sur le chômage vont être durcies : les chômeurs seront obligés de travailler après avoir refusé deux emplois. Ce n'est plus une réforme, c'est un raz-de-marée, d'une telle puissance et si vaste que les syndicats ne savent plus à quel endroit ils doivent se battre. Ils sont pris de court, pris par surprise, débordés.
Il faut bien le reconnaître : une telle stratégie, conduite à une allure de blitzkrieg, n'a pu être conçue et appliquée que par Nicolas Sarkozy. On ne cesse de regretter qu'il ne donne pas plus de liberté d'action à son Premier ministre ; mais François Fillon n'a pas du tout ce tempérament bagarreur, ce don de l'ubiquité, ce rythme infernal.
SARKOZY DOIT TENIR COMPTE DU CONTEXTE ECONOMIQUE S'IL VEUT EVITER UNE CRISE
Bien entendu, la méthode est extraordinairement risquée. Personne ne peut nier pour autant que les prédécesseurs de M. Sarkozy auraient plongé la France dans une crise de régime s'ils n'avaient fait que la moitié de ce qu'il parvient à faire. Nous sommes tous là à douter de son instinct, à dénoncer sa brutalité, à regretter son éthique pour le moins sommaire, mais il commence à remonter dans les sondages. On peut toujours condamner une méthode, celui qui en tire avantage se moquera bien de la condamnation. Quand on se souvient avec quelle simplicité Nicolas Sarkozy a conduit ses dialogues en tête-à-tête avec les chefs syndicalistes, qu'il leur a parlé les yeux dans les yeux, qu'il les a traités comme des princes, qu'il les remerciait naguère publiquement pour leur sens des responsabilités, tout çà pour, quelques mois ou même quelques semaines plus tard, les bombarder littéralement de mesures brutales et impopulaires, avec un sang-froid incroyable, on se rend compte que les revers subis par le président, loin de l'abattre, le stimulent énormément.
En conséquence, ce qui est à craindre, c'est qu'une fois encore M. Sarkozy ne sache pas avoir le triomphe modeste, qu'il aille trop loin sur sa lancée, que sa violence lui revienne comme un boomerang à la figure. Il est certes surprenant que, dans la réforme du travail, il soit allé au-delà de ce qu'il semblait avoir prévu et en tout cas de ce qu'il avait dit : ceux qui lui auront recommandé la prudence vont se demander maintenant s'il y a des limites au changement, si n'importe quel projet peut marcher.
Il n'empêche qu'il a perdu sa popularité au début de l'année par excès de confiance en lui-même et que le même phénomène peut se reproduire ; qu'il ne peut pas prétendre faire le bonheur des Français en les brutalisant en permanence et que, s'il veut changer la mentalité nationale, il n'y parviendra pas par l'exorcisme ; que le contexte économique et financier international, la hausse des prix des matières et de l'inflation en France créent à leur tour un mécontentement contre lequel il est privé de moyens et qu'il ne doit pas, en conséquence, alimenter par trop d'actes qui agacent, irritent ou indignent le peuple. On peut saluer l'artiste et redouter en même temps qu'il ne tombe dans la fosse.
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