À LA VEILLE des 7es Rencontres nationales femme et tabac, qui se dérouleront à Angers les 2, 3 et 4 mai (voir encadré), l’un des organisateurs, le Pr Michel Delcroix, président de L’Association périnatalité, prévention, recherche, information (Appri), tire la sonnette d’alarme.
Vingt pour cent des 650 maternités, dont 360 publiques, ont un fumoir ouvert aux femmes enceintes, aux visiteurs et aux personnels, «ce qui est strictement illégal», souligne-t-il. «Cinquante pour cent ne mettent pas à la disposition des femmes hospitalisées et de leur conjoint des traitements validés pour l’aide à l’arrêt du tabac», soit sous forme de thérapies cognitives, faute de personnels soignants formés à cet effet, soit en fournissant des produits de substitution, comme des gommes à mâcher, des patches, des tablettes ou des pastilles. Enfin, la plupart des établissements n’évaluent pas encore l’incidence du tabagisme pendant la grossesse, notamment du tabagisme passif, en prenant en compte le taux de monoxyde de carbone dans l’air expiré, qui constitue un indicateur objectif.
Toutes ces recommandations, formulées par la conférence de consensus « Grossesse et tabac » d’octobre 2004 (« le Quotidien » des 13 octobre et 2 décembre 2004), restent en grande partie lettre morte, constate le médecin, qui en était l’un des organisateurs.
De la nécessité de mesurer le taux de monoxyde de carbone.
«Et pourtant, la mesure du taux de monoxyde de carbone, grâce à des analyseurs ad hoc , est aussi rapide que la prise de la tension artérielle», fait remarquer le praticien, responsable de Maternité sans tabac au sein du Réseau sans tabac mis en place il y a dix ans*. Entre 5 et 10 ppm (particules de monoxyde de carbone par particule d’air), le tabagisme passif est le plus souvent en cause. Au-dessus de 10 ppm, on se situe dans l’intoxication tabagique forte. «Au-delà de 30ppm, ce qui n’est pas rare chez certaines femmes enceintes, les pompiers, appelés au domicile de particuliers qui souffrent d’un début d’intoxication, ordonnent l’évacuation des lieux.» A partir de 20 ppm, le poids moyen du nouveau-né est inférieur de 750 g à celui d’enfant de mère non fumeuse et il existe trois ou quatre fois plus souvent d’anomalies du rythme cardiaque chez le foetus pendant l’accouchement (étude Pierre Marquis-Conchita Gomez, maternité d’Arras, janvier 2005).
Autre mesure possible : le dosage de la carboxy-hémoglobine sur le sang du cordon, à la naissance, la norme se situant entre 0 et 1,5 %. Pour les taux supérieurs à 5 %, on parle d’intoxication aiguë, nécessitant une oxygénothérapie hyperbare afin d’écarter toute atteinte neurologique pour l’enfant.
Dans tous les cas, lorsque la femme s’arrête de fumer, avec ou sans aide, «les paramètres de la grossesse et du nouveau-né se normalisent», rappelle le Pr Delcroix en précisant qu’ «il n’y a pas de danger à prescrire à une femme enceinte un traitement substitutif, c’est toujours mieux pour son enfant». Quant aux fausses idées, il convient de les chasser une fois pour toutes. Le fait de passer de vingt cigarettes par jour à cinq ne diminue pas le risque d’intoxication, sachant que la fumeuse modifie sa façon de fumer en tirant plus fort et plus souvent. Et les cigarettes roulées ne sont pas moins toxiques que les manufacturées, au contraire, elles produisent plus de monoxyde de carbone, comme les joints «qui brûlent moins bien». Il en était de même des NTB (no tabac), ces cigarettes à l’eucalyptus, dont la conférence de consensus 2004 a demandé le retrait des officines pharmaceutiques.
Gare aux catastrophes !
Chacun des acteurs concernés doit se sentir responsable, dit au « Quotidien » le Pr Delcroix. Si l’on continue à négliger d’appliquer pleinement les recommandations de la conférence de consensus, des catastrophes ne sont pas à exclure. Qui serait responsable pénalement d’une mort in utero dans le cas d’une femme hospitalisée pour la surveillance d’une grossesse pathologique (enfant trop petit) qu’on aurait autorisée à se rendre dans le fumoir, si ce n’est le directeur de la maternité ? Cette mère fumeuse, à qui on n’aurait pas proposé un traitement de substitution, ne manquerait pas de porter plainte pour défaut d’information. Idem pour cette autre parturiente fumeuse, dont l’enfant présenterait des séquelles neurologiques graves, qu’on aurait encouragée à réduire sa consommation quotidienne de cigarettes à défaut de l’aider à s’arrêter. Les maternités doivent prendre leurs responsabilités, insiste le Pr Michel Delcroix, qui aide à l’arrêt du tabac pour les personnels de l’établissement public de santé mentale des Flandres de Bailleul, dans le Nord**.
* Hôpital sans tabac (tél. 01.40.44.50.26) est présidé par le Pr François Chieze.
** Le Pr Michel Delcroix a été chef de service de la maternité Saint-Philibert à l’université catholique de Lille pendant près de vingt ans.
Les Rencontres femme et tabac
Les Rencontres nationales femme et tabac, qui se dérouleront à Angers du 2 au 4 mai, sont organisées par l’Association périnatalité, prévention, recherche, information (Appri), le Collège national des gynécologues-obstétriciens, la Ligue nationale contre le cancer, le réseau Hôpital sans tabac et l’Association des sages-femmes tabacologues françaises. Des forces unies pour mettre en oeuvre les recommandations du consensus « Grossesse et tabac » et en synergie les actions « Femme et addictions » du plan Cancer, du plan Périnatalité et du plan Mildt (lutte contre la toxicomanie) 2004-2008.
A chaque journée son thème : le 2, « Femmes et addictions : enjeux de formation », avec notamment des ateliers et une soirée FMC généralistes ; le 3, « Mise en oeuvre du consensus grossesse et tabac » ; le 4, « Femmes et addictions : enjeux psycho-sociaux et médico-légaux ».
Le prix BD « Femme vie sans tabac », parrainé par « le Quotidien », sera remis le 2 mai.
Renseignements et inscriptions : Appri-Epsm des Flandres, tél. 03.28.41.14.83, www.appri.asso.fr.
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