Une étude conduite par le Dr Rozenberg (Pitié-Salpêtrière) et le Pr Bardin (Lariboisière) montre que le maintien en activité de patients souffrant d'une lombalgie commune aiguë, reste insuffisamment prescrit.
C'EST EN 2004 qu'a été mis en place l'observatoire en médecine générale sur le maintien de l'activité physique dans les lombalgies aiguës à l'initiative du laboratoire Grunenthal. Cet observatoire a permis la conduite d'une étude transversale observationnelle, menée par le Dr Sylvie Rozenberg (service de rhumatologie de la Pitié-Salpêtrière, Paris) et le Pr Thomas Bardin, chef du service de rhumatologie de l'hôpital Lariboisière à Paris. Réalisée auprès de 500 médecins généralistes, l'étude avait pour objectif de décrire les modalités de prise en charge de la lombalgie commune aiguë en médecine générale et d'essayer de décrire, outre les caractéristiques cliniques des patients, les facteurs expliquant le maintien ou l'arrêt de l'activité chez ces patients. « La lombalgie est un problème fréquent. Lorsque la lombalgie est commune et aiguë, on estime qu'elle guérit dans un délai d'un mois dans 90 % des cas. Un élément généralement méconnu etinsuffisamment bien étudié est le fait que la lombalgie est, dans une large mesure, un problème récidivant. Selon les études, la moitié ou un tiers des patients récidivent au cours de la première année », explique en préambule le Dr Sylvie Rozenberg. « On sait aussi que la lombalgie est un problème multifactoriel qui a des causes mécaniques, sociales, psychologiques et qui est particulièrement coûteux pour la société, ajoute-t-elle. Enfin, d'après desrecommandations récentes à la fois nationales et internationales, on sait qu'il est important de se maintenir en activité lorsqu'on a une lombalgie aiguë. Une revue très récente de la Cochrane (une association américaine qui faitdes revues systématiques) confirme que le repos est néfaste et le maintien de l'activité bénéfique pour l'évolution de l'état du patient. »
Pour être inclus dans l'étude, il fallait que les patients aient une lombalgie commune, c'est-à-dire qui évolue depuis moins de trois jours, sans irradiation et sans cause symptomatique connue. D'avril 2004 à février 2005, 3 739 patients ont été inclus dans l'étude, qui a recueilli des données portant sur une seule visite de chaque patient chez les généralistes participants. Au final, 3 297 patients, respectant tous les critères d'inclusion et de non-inclusion, ont fait partie de l'analyse. La population, participant à l'étude, était composée d'hommes à 60 % avec un âge moyen de 45 ans. Précision importante : 89 % des patients étaient en âge de travailler, soit un âge inférieur à 65 ans. Dans 15 % des cas, cette lombalgie était survenue dans un contexte d'accident du travail et dans la moitié des cas à la suite d'un effort de soulèvement. Par ailleurs, 40 % des patients avaient déjà eu un autre épisode de lombalgie aiguë par le passé. Un tiers du total des patients avait même eu un épisode au cours des douze mois précédents. « La douleur était intense puisqu'elle était en moyenne de 63 millimètres sur échelle visuelle analogique. Sur l'indice Eifel, qui est un indice fonctionnel avec un score de 0 à 24, on obtenait un score moyen aux alentours de 10 », précise le Dr Rozenberg, en soulignant le fait que les patients, inclus dans cette étude, avaient les caractéristiques habituelles des patients lombalgiques aigus.
Avant leur consultation chez ce généraliste, environ 30 % des patients avaient décidé spontanément de se mettre au repos au lit et 50 % d'entre eux avaient interrompu leur activité professionnelle. A l'issue de cette consultation, le traitement prescrit par le généraliste prévoyait un repos au lit pour 48 % des patients, un arrêt des activités de loisirs pendant dix jours en moyenne pour 85 % des patients et un arrêt de travail de six jours en moyenne pour 60 % des patients. « En analyse univariée, on a pu noter que la décision de maintenir l'activité (c'est-à-dire pas de repos au lit et pas d'arrêt de travail) était surtout prise pour des patients plus âgés, plus souvent pour des femmes et pour les patients ayant une profession peu contraignante. En analyse multivariée, la probabilité de maintien de l'activité, après cette consultation, était plus élevée chez les patients qui n'avaient pas spontanément arrêté leur activitéprofessionnelle avant la consultation. Cette probabilité était aussi significativement plus élevée chez des patients ayant une activité peu contraignante pour le dos et chez les patients pour lesquels l'épisode de lombalgie n'était pas dû à un accident du travail », souligne le Dr Rozenberg.
Pour ce médecin, le principal enseignement à tirer de cette étude est le fait que le conseil du maintien de l'activité face à une lombalgie aiguë n'est, à l'évidence, pas encore suffisamment bien connu des généralistes et qu'il faut donc renforcer la formation sur ce point. « On peut profiter de cette étude pour rappeler que tout épisode de lombalgie aiguë doit faire l'objet d'un traitement médical intensif qui a pour but de soulager la douleur le plus rapidement et efficacement possible afin de permettre le maintien en activité », précise le Dr Rozenberg.
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