UNE VASTE ÉTUDE internationale à laquelle ont participé plusieurs équipes françaises de l'Inserm et du Cnrs (Pr Philippe Froguel) vient de conduire à la découverte de trois nouvelles mutations associées au développement du diabètes. Deux de ces mutations semblent responsables de la survenue de formes familiales génétiques de diabète de type 2 juvénile, la dernière augmente le risque de diabète de type 2 tardif. Ces trois mutations touchent le même gène : KLF11.
La protéine KLF11 (aussi connue sous le nom de TIEG2) est un facteur de transcription de la famille « Krüppel like zink finger ». Elle est impliquée dans le développement du pancréas et dans la régulation du cycle cellulaire. Son expression est contrôlée par le facteur de croissance TGF-bêta. Il est récemment apparu que cette protéine constitue, en outre, un suppresseur de tumeur qui s'oppose au développement des cancers du pancréas. Ce dernier entraînant souvent un diabète et le diabète étant lui-même connu pour augmenter le risque de développement d'un cancer pancréatique, Neve et coll. ont décidé de s'intéresser au rôle que la protéine KLF11 pourrait jouer dans la survenue du diabète.
Homéostasie du glucose.
Les auteurs ont commencé par étudier l'effet de KLF11 sur l'homéostasie du glucose. Ils ont observé que, dans les cellules bêta du pancréas, la transcription du gène KLF11 est stimulée non seulement par le facteur de croissance TGF-bêta, mais aussi par une augmentation de la concentration en glucose. Cet effet est associé à une augmentation de la transcription du gène de l'insuline.
Ces résultats ont conduit Neve et coll. à imaginer que le produit du gène KLF11 pourrait agir sur l'expression du gène de l'insuline. Pour tester cette idée, les auteurs ont recherché les cibles de KLF11. Il est apparu que la protéine pouvait se fixer au promoteur du gène de l'insuline. Des expériences menées in vitro ont confirmé l'intuition des chercheurs : en présence d'une concentration élevée de glucose, KLF11 active la transcription du gène de l'insuline en se fixant sur son promoteur.
Facteur de transcription.
Le facteur de transcription KLF11 est donc directement impliqué dans le contrôle de la glycémie. Ainsi, il paraît plausible que certaines formes altérées de la protéine puissent prédisposer au diabète.
Pour vérifier cette nouvelle hypothèse, Neve et coll. ont séquencé le gène KLF11 de 190 sujets appartenant à trois familles de malades atteints de diabète de type 2 à survenue précoce (MODY). Ce travail leur a permis d'identifier deux variants rares de la protéine KLF11 significativement associés au diabète MODY. Ces deux variants, Ala347Ser et Thr220Met, ont une structure secondaire altérée qui modifie certainement l'activité du facteur de transcription.
Un troisième variant.
L'analyse du polymorphisme du gène KLF11 dans une cohorte de près de 1 400 sujets nord-européens atteints de la forme tardive classique du diabète de type 2 et de 1 500 sujets témoins normoglycémiques a conduit les auteurs à identifier un troisième variant, Gln62Arg, associé au développement du diabète de type 2.
Une caractérisation fonctionnelle de ce dernier variant a montré que la mutation Gln62Arg augmente l'affinité de la protéine KLF11 pour le corépresseur mSin3A. Par ailleurs, cette modification génétique supprime l'effet de KLF11 sur l'activation de la transcription du gène de l'insuline en présence de glucose. Ces données suggèrent que le variant Gln62Arg entraîne une répression excessive de l'expression du gène de l'insuline. D'ailleurs, chez les individus porteurs de cette mutation, le taux plasmatique d'insuline est anormalement bas après une ingestion de glucose.
En dernier lieu, Neve et coll. ont étudié l'effet des trois variants de KLF11 sur les conséquences du stress oxydatif. La protéine KLF11 est, en effet, connue pour réguler l'expression de la catalase 1, une enzyme impliquée dans l'élimination des radicaux libres. La forme sauvage de KLF11 agit en réprimant l'expression de ce gène. Cet effet represseur est exacerbé par les trois mutations identifiées par Neve et coll. Ainsi, les individus porteurs des variants de KLF11 pourraient avoir une sensibilité accrue au stress oxydatif.
L'accumulation de radicaux libres au niveau du pancréas ayant déjà été impliquée dans le développement et la progression du diabète de type 2, les auteurs suggèrent que les mutations de KLF11 pourraient prédisposer au diabète non seulement par leur action sur le gène de l'insuline, mais aussi via celle qu'ils exercent sur l'expression de la catalase 1.
B. Neve et coll., « Proc. Nalt. Acad. Sci. USA » du 29 mars 2005, pp. 4807-4812.
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