La caisse de la Drôme sanctionne des DE

Trois spécialistes déconventionnés

Publié le 17/02/2004
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« LA NOUVELLE EST TOMBÉE vendredi 13, je m'y attendais. » Le Dr Jean-Paul Camou, anesthésiste de secteur I exerçant de fait en honoraires libres depuis le mois de novembre, a reçu notification de son déconventionnement pour une durée de six mois à compter du 1er mai, comme deux autres de ses confrères exerçant à la Clinique générale de Valence.
Ces trois déconventionnements, décidés par les caisses des trois régimes d'assurance-maladie de la Drôme, sont « l'aboutissement malheureux d'une démarche de dépassements tarifaires engagée depuis plus de dix-huit mois par les médecins spécialistes » dans le département, explique Jacques Levando, directeur de la caisse primaire (CPAM) de Valence. Ils font suite aux sanctions financières (suspension de la prise en charge par la caisse d'une partie des cotisations sociales) déjà imposées à une vingtaine de spécialistes au 1er juillet, pour des périodes variant de deux à douze mois.
Mais ces trois déconventionnements « s'inscrivent aussi dans une démarche régionale », souligne le directeur de la CPAM de la Drôme, puisque l'ensemble des directeurs des caisses de la région Rhône-Alpes avaient, à la fin de janvier, lancé conjointement un ultimatum de trois semaines aux spécialistes de secteur I repérés pour leurs « dépassements abusifs ».
Parmi les trois médecins visés, deux n'ont pas un rôle anodin dans le département : le Dr Camou est en effet à la fois porte-parole de la Coordination nationale des médecins spécialistes (Cnms) et président de l'Association des anesthésistes libéraux (AAL), tandis que le Dr  Christian Tête préside la coordination des spécialistes Drôme/Ardèche (AMlib 26/07). Mais pour Jacques Levando, ces deux anesthésistes et le troisième spécialiste déconventionné, le Dr Jean-Paul Gauduchon, gynécologue-obstétricien, « correspondent à des comportements particulièrement atypiques » et forment « un noyau dur » qui applique des « dépassements très élevés équivalant à 50, 70, voire 100 % des tarifs conventionnels », et cela sur « la quasi-totalité de leurs actes ».

« Attristé » pour les patients.

Interrogé par « le Quotidien », le Dr Tête considère son déconventionnement comme « un non-événement ». Cet anesthésiste se dit néanmoins « attristé pour les patients les plus fragilisés qui seront dans l'impossibilité d'accéder à (ses) soins et à (sa) compétence », dès lors que les actes des praticiens non conventionnés sont remboursés de manière dérisoire (moins d'un euro) par les caisses. Il reste que les médecins « ne peuvent accepter d'être poussés vers la médiocrité par les tarifs opposables », indique le Dr Tête.
Le Dr Camou précise que sa clientèle, prévenue à l'avance de son changement de situation, « accepte à 80 % » de payer de sa poche le coût de ses devis dont le montant total varie « entre 100 et 300 euros ». C'est pourquoi il affiche une certaine sérénité : « Les actions de Levando seront sans effet sur moi. »
Le Dr Camou et le Dr Tête envisagent cependant d'engager un recours contre leur déconventionnement par « une saisine en référé auprès du tribunal administratif », car ils contestent le fait que la CPAM s'attaque simultanément à la moitié des anesthésistes et au « tiers du potentiel obstétrique » d'une seule et même clinique.
Le Dr Camou ironise par ailleurs sur l'inégalité d'accès aux soins ainsi créée par les déconventionnements : « En secteur II, on garde un rôle social puisqu'on doit accepter les bénéficiaires de la CMU, tandis qu'en secteur III, je pourrai les refuser. » Le porte-parole de la Cnms signale de même que quatre obstétriciens de la région ont déjà fait part au préfet de leur intention de se reconvertir à la gynécologie médicale si l'un de leurs confrères était déconventionné. S'ils passent aux actes, « 2 200 accouchements ne vont pas savoir où aller », les hôpitaux étant déjà saturés selon lui.
A la Cpam de la Drôme, Jacques Levando mesure « les risques réels pour les assurés sociaux, mais la responsabilité en incombe aux praticiens eux-mêmes ». En attendant l'entrée en vigueur des trois déconventionnements au 1er mai, il « souhaite, en incorrigible optimiste, que le bon sens prévale ».

> AGNÈS BOURGUIGNON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7480