LA PRODIGIEUSE progression du candidat centriste ne se confirme pas cette semaine. François Bayrou plafonne ou recule à 21 % selon Ifop et à 21,5 selon Ipsos. Il ne faut cependant en tirer aucune conclusion : si l'on en juge par le passé récent, les quatre semaines qui nous séparent du scrutin peuvent être aussi riches en rebondissements que les semaines précédentes.
1)Maintenant que le choix est limité à douze, l'électorat le plus capricieux peut se décider pour ceux dont le score actuel est faible, à l'extrême gauche principalement. C'est d'ailleurs ce que redoute Ségolène Royal qui, jusqu'à présent, n'a pas réussi à montrer qu'elle dispose d'un élan suffisant pour arriver au second tour. Elle ne peut guère se permettre un effritement causé par les Besancenot, Buffet, Laguiller et encore moins Bové, qui ne figurait pas jusqu'à mardi dans les sondages et qui, s'il s'octroyait 1 ou 2 % des voix, peut porter l'estocade à la candidate.
2)Le nombre des indécis reste élevé, alors que l'on entend dire à peu près partout que les Français, cette année, s'enthousiasment pour la campagne et ne la jugent pas inintéressante. Les indécis regroupent non seulement beaucoup de gens mais aussi des électeurs qui, jusqu'à présent, ne sont pas séduits par les candidats les plus en vue. Dans leur indécision, il y a de la graine de protestataire ; l'extrême gauche, Jean-Marie Le Pen et François Bayrou pourraient se partager ces voix.
3)Si M.Bayrou reprend son ascension, Nicolas Sarkozy, qui dit ne pas craindre de l'affronter au second tour, aurait de quoi se faire du souci. M. Sarkozy est, selon les sondages, le plus populaire des douze candidats, quel que soit par ailleurs le score de Ségolène Royal ou celui de François Bayrou. C'est un des phénomènes politiques qui auront marqué 2007, en même temps que l'irruption réussie de Mme Royal dans le paysage politique et la montée inattendue de M. Bayrou, passé en deux mois de 6 à 24 %.
LES CHANCES DE M. SARKOZY SONT CLAIRES AU PREMIER TOUR, TRES FLOUES AU SECOND
Mais un autre phénomène aussi bizarre que passionnant, c'est que, toujours selon les enquêtes d'opinion, M. Sarkozy, en dépit de son avance, serait vaincu au second tour par M. Bayrou ; depuis environ deux semaines, le triomphe de M. Bayrou au second tour est indiqué avec la même constance que son incapacité à franchir le cap du premier. C'est contradictoire, mais cela peut inquiéter le président de l'UMP.
Un noyau dur de 30 %.
Lequel ne semble pas soucieux de donner un coup d'accélérateur à sa campagne, qui n'a rien d'original, mais lui assure tout de même la première place. M. Sarkozy dispose d'un noyau dur qui représente grosso modo 30 % de l'électorat, ce qui n'est pas peu, mais pas suffisant s'il veut être à l'abri du danger Bayrou. Le candidat de l'UMP a peut-être fait un choix tactique ; il semble avoir décidé de ne pas répondre aux attaques que le centriste a dirigées contre lui, notamment au sujet des distances que M. Sarkozy a prises avec les cités. Il n'a pas réagi non plus avec une vigueur excessive au tollé qui a suivi son idée de ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Il ne veut pas de débat télévisé avec Mme Royal ou avec M. Bayrou, parce que, dit-il, le temps de parole est équitablement réparti entre les douze candidats ; Ségolène, affirme Nicolas, aurait dû se décider plus tôt.
La campagne exacerbe les accusations et on s'y entend, dans tous les camps, pour crier au scandale chaque fois que l'adversaire ouvre la bouche. Bien entendu, chaque candidat peut compter sur ses lieutenants, prêts à ferrailler sous n'importe quel prétexte. La vérité est bien en deçà de cette hyperbole conjoncturelle : il n'échappe pas à la presse que Ségolène marque le pas, que M. Bayrou a peut-être fait le plein des voix (et ce n'est déjà pas si mal), que l'extrême droite peut nous surprendre le 22 avril, et que M. Sarkozy, qui a de bonnes raisons de penser que tout va bien, se pose silencieusement des questions sur la présence de M. Bayrou dans l'arène. Mme Royal craint l'extrême gauche, M. Sarkozy pourrait craindre à peu près tout le monde, de M. Bayrou à M. Le Pen. On le voit mal évaluer tout cela avec la sérénité d'un yogi.
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