Il aura fallu huit mois de discussions, de séminaires, d'ateliers et de contacts tous azimuts. Des années de conflits et de blocages. Enfin, dix-huit heures de « vraie » négociation chiffrée, ultime illustration d'un marathon épuisant, pour que les trois caisses nationales d'assurance-maladie et quatre syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG-France, SML et Alliance, la FMF réservant sa décision) signent les termes d'un accord dont la portée symbolique et politique est aussi forte que les mesures de revalorisation qu'il comporte (voir le détail de l'accord ci-dessous).
S'il ne s'agit pour l'instant que d'« axes stratégiques », la convention restant à rédiger avant le 31 mars, l'ampleur financière du document négocié, la volonté de traiter l'urgence (RCP, spécialistes cliniques en secteur I, psychiatres, astreintes) tout en donnant aux médecins des perspectives pluriannuelles, et, surtout, la crédibilité des syndicats qui ont décidé de parapher le texte (plus de 90 % des voix aux élections professionnelles) ne laissent aucun doute.
Cet accord est le canevas du nouveau système conventionnel, dont chacun espère qu'il sera « restructurant ». Avec, en clair, une tentative de maîtrise des volumes. C'est sans doute son enjeu principal : au-delà de son volet financier indispensable, il vise à moderniser la pratique médicale en généralisant des accords de bon usage des soins, les contrats de bonne pratique ou de santé publique, les rémunérations au forfait ou en tenant compte de l'environnement socioprofessionnel.
Politiquement, le message lancé au gouvernement, qui avait invité les partenaires à « forcer le pas », n'est pas anodin : la médecine de ville rassemblée comme rarement affirme sa volonté de sauvegarder le partenariat toujours fragile avec l'assurance-maladie. Le retour des spécialistes dans le jeu conventionnel est consacré. « Les médecins ont choisi le chemin du renouveau conventionnel plutôt que l'aventure », estimait un négociateur de la CNAM. Jean-François Mattei s'est d'ailleurs immédiatement réjoui de l'accord, souhaitant qu'il débouche « le plus rapidement possible » sur une convention applicable à l'ensemble des praticiens.
Base imprévisible
Pour autant, c'est un enthousiasme prudent qui domine chez les principaux responsables syndicaux. Si le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, majoritaire, qualifie le document final de « texte important » qui « permet de rétablir un dialogue et de bâtir un nouveau système », il souligne aussi la « tâche qui reste à accomplir », notamment pour préciser les volets du protocole . « Ce relevé de conclusions est un compromis, il sera soumis à nos instances et j'espère qu'il fera l'objet d'une mise en convention », a-t-il résumé. Le Dr Jean-François Rey, patron de la branche spécialiste de la CSMF (UMESPE, qui fournit les gros bataillons de spécialistes), faisait preuve d'une sobriété de langage inhabituelle. « L'accord est présentable. Il y a des sommes conséquentes, le texte n'est pas parfait mais comporte des avancées importantes et on s'est réservé un "effet volume" éventuel. » Quant au Dr Dinorino Cabrera, président du SML, il estime que ce protocole traduit « un juste milieu » entre les exigences des uns et les moyens, limités, des autres. Même si le SML « n'est pas comblé », il considère ce texte comme « une étape significativement positive ». « Maintenant, il va falloir l'expliquer », conclut-il.
Pour le syndicat Alliance, enfin, il s'agit d'un « accord correct qui va répondre aux besoins de la profession ». Mais, nuance-t-il, « nous n'avons pas tout obtenu, loin s'en faut ». Si les représentants des spécialistes n'en rajoutent pas, c'est que nul ne mesure aujourd'hui la réaction de la « base » devant ce document. Encouragés par les coordinations, des milliers de spécialistes sont entrés depuis longtemps dans un processus de liberté tarifaire, à l'instar des nombreux généralistes qui facturaient le C à 20 euros bien avant de l'obtenir. « De 30 % à 50 % des spécialistes, selon les disciplines, prennent déjà de 28 à 30 euros », observe le Dr Rey. Beaucoup d'entre eux auraient de loin préféré la réouverture du secteur à honoraires libres. Il en sont aujourd'hui pour leurs frais.
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