Jeudi, 18 heures.
L'aéroport d'Orly grouille de monde. Je vérifie mon passeport pour la Tunisie et rajuste mes Ray-Ban. Déjà, en attendant l'enregistrement, me reviennent des airs de musique. Les voix de Johnny, Eddy, mais aussi Elvis, Ray Charles et quelques autres me trottent dans la tête. Je m'assure que ma trompette est bien calée dans mon étui et je scrute la salle. A droite, une paire de Santiags, à gauche, un blouson de cuir noir : pas de doute, je suis dans la bonne file. Celle qui, comme les queues de Lyon et de Marseille, nous conduit vers un avion en partance pour Hammamet où se préparent trois jours de bonheur pour les médecins rockeurs que nous sommes.
Vendredi, 1 heure.
Ca y est, la Méditerranée est traversée, la douane passée, l'heure de car oubliée : nous arrivons à l'hôtel où, sous les vivats des premiers arrivants, nous venons rejoindre le groupe de 400 personnes réunies par l'association France Médical Rock (FMR). Cette dernière a accompli l'exploit, avec l'aide du voyagiste Thomas Cook et de ses partenaires du moment (notamment Yamaha, Vitalaire, GlaxoSmithKline...), de faire déplacer médecins, conjoints, guitares, bagages..., mais aussi d'inviter huit enfants handicapés moteurs et leurs accompagnateurs du centre de rééducation de Kerpape, en Bretagne.
Tout le monde est là : que la fête commence ! Les basses résonnent déjà sur la grande scène préparée pour l'occasion, tandis que les lumières tournent au milieu des fumigènes. Une ravissante dermatologue entraîne déjà la foule au son de « We can be heroes », de David Bowie...
Vendredi, 21 heures.
Les concerts ont déjà repris depuis 18 heures et j'ai pu danser sur les rythmes des Cinq Cop, des Orleans Combo et des Namass Pamous. Mais le meilleur est pour maintenant : les enfants se sont concertés et, avec le soutien de leur équipe éducative, les voici qui montent tout intimidés sur scène pour nous interpréter quelques chansons de leur cru. L'une des gamines a même composé certains textes, très réussis, je dois dire. Et lorsqu'une autre entame le tube d'Indochine, « J'ai demandé à la lune », et que les enfants reprennent « Et comme le ciel n'avait pas fière allure/ et que je ne guérissais pas/ je me suis dis quelle infortune »... je tourne la tête et surprends quelques larmes dans les yeux de mes confrères. Le succès est total, ils ont tous été formidables et le point d'orgue est atteint lorsque l'un des enfants s'offre le plaisir de jouer AC/DC à la batterie, accompagné pour la première fois d'un guitariste et d'un bassiste embauchés sur place, tandis que 400 personnes scandent « Hiiiiighway to hell ! ». Un pur moment de rock'n roll.
Samedi, 10 heures.
Je ne suis pas venu que pour la musique : au programme aujourd'hui, une formation continue autour du thème du handicap. Le Pr Camus s'est déplacé directement du CHU de Dijon pour nous parler des pathologies pulmonaires iatrogéniques et de ses séquelles sur l'enfant. Puis se succéderont des intervenants venus de tout le pays, et même d'ailleurs, tandis que les conférences couvrent des sujets aussi divers que la neuromodulation dans le traitement de la douleur ou la pratique du désencombrement dans les maladies neuro-musculaires. Heureusement, le programme s'étale sur deux jours, ce qui me laisse un peu de temps pour faire la connaissance de mes collègues avant d'assister aux ateliers pratiques proposés par l'équipe paramédicale.
Samedi, 13 heures.
Dans la grande salle de restaurant résonnent les cliquetis de quelques centaines de fourchettes. Les conversations vont bon train, car il n'est pas courant d'avoir à la même table un anesthésiste-réanimateur brestois, un dentiste marseillais, un ingénieur biomédical vendéen et un ostéopathe parisien : tout le monde a des choses à (s')apprendre ! On parle pratique médicale, problèmes socio-professionnels, on s'échange des adresses, mais le maître-mot reste la musique qui est le vecteur commun : « Et toi, comment tu joues ça en picking ? » Ah, il est déjà temps de quitter la table si je veux faire un petit plongeon dans la piscine avant de reprendre les cours.
Samedi, 19 heures.
Dernière soirée pour les concerts. Entre le Ray Guzza Orchestra et les Coton Tiges, je suis impatient d'assister au concert du groupe de notre président himself*, qui a su rassembler une équipe efficace depuis trois ans que dure cette aventure. Tous les ans, il organise un festival comme celui-ci, dont les bénéfices permettent d'équiper un centre d'accueil pour enfants handicapés avec un studio complet : basse, guitare, batterie, clavier, micro. Et il ne compte pas s'arrêter là : l'année prochaine seront peut-être prévus des master-class, pour que la formation ne soit pas seulement médicale.
Dimanche, 10 heures.
Il me reste quelques heures pour profiter des coins bœufs aménagés depuis le début du week-end dans le café aux décors mauresques de l'hôtel. Une petite scène accueille tous les instrumentistes qui le souhaitent, du matin au soir : un bon moyen de faire connaissance, de partager moments de plaisir et compétences musicales, voire de jouer pour ceux qui n'ont pas été officiellement programmés. Des gens qui ne s'étaient jamais parlé jusque-là partagent soudain une grande intimité musicale. Entre les enfants, les confrères, la musique, les découvertes de chaque instant, il me semble revenir le temps d'un instant à l'époque de ma jeunesse, lorsque je rêvais d'un monde meilleur, où tous communiqueraient, seraient attentifs aux autres, dépasseraient leurs barrières sociales et culturelles. Et si c'était ça, la musique ? Bon allez, assez rêvé. Je prends ma garde demain à l'hôpital. Je rechausse mes lunettes noires : l'avion de retour m'attend.
* Pour en savoir plus sur l'association France Médical Rock, contacter son président, Thierry Brunet, au 06.76.28.63.97 ou francemedicalrock@yahoo.fr, site www.francemedicalrock.com.
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