L ES déficits de l'immunité humorale peuvent être primaires et se révéler chez le nourrisson, le jeune enfant, mais parfois aussi à l'âge adulte ; secondaires, ils concernent alors tous les âges. Un déficit immunitaire doit être particulièrement évoqué en cas d'infections à répétition, fréquemment assez banales, de localisation ORL, trachéobronchique ou pulmonaire et particulièrement récidivantes. Un déficit de l'immunité doit aussi être recherché en cas de maladies auto-immunes, de survenue de cancer ou d'hémopathie et notamment en cas de leucémie lymphoïde chronique.
Le Dr Myriam Labalette et le Pr Eric Hachulla ont resitué les causes les plus communes de déficits de l'immunité humorales en rappelant la fréquence particulière des déficits en IgA (1/500 naissances), le déficit immunitaire commun variable (DICV) avec déficit complet en IgG, IgA et IgM arrivant en 2e position par ordre de fréquence.
Pour dépister et rechercher un déficit de l'immunité humorale, il y a trois examens clés :
- la numération formule ;
- l'électrophorèse des protéines ;
- le dosage pondéral des immunoglobulines IgG, IgA et IgM.
Les causes les plus fréquentes
Le dosage pondéral des immunoglobulines chez l'enfant n'est pas interprétable avant l'âge de 3 mois, du fait de la diffusion passive des IgG de la mère à l'enfant. On ne peut parler de déficit en IgA qu'en cas de persistance d'un taux d'IgA bas après 3 à 5 ans, le taux d'IgA augmentant progressivement durant les premières années de la vie.
Le déficit en IgA concerne 1/500 naissances ; trois fois sur quatre, il est totalement asymptomatique et de découverte fortuite. Dans d'autres cas, il peut être à l'origine d'épisodes infectieux, ORL, bronchiques ou digestifs, de gravité souvent modérée et quelquefois il s'associe à des manifestations allergiques avec augmentation possible du taux d'IgE. Il existe une fréquence anormale des maladies auto-immunes dans cette population, dans 1 à 3 % des cas, on peut retrouver un lupus érythémateux systémique, une polyarthrite rhumatoïde, une intolérance au gluten.
En l'absence d'épisode infectieux, la découverte d'un déficit isolé en IgA ne nécessite pas de traitement particulier. La survenue d'épisodes infectieux à répétition doit amener à rechercher un déficit concomitant en IgG2. Dans ce cas, un traitement par immunoglobulines polyvalentes de préférence dépourvues en IgA (pour en améliorer la tolérance) doit alors être proposé.
L'hypogammaglobulinémiecommune variable ne survient pas habituellement dans un contexte familial, mais dans 15 % des cas, il existe un déficit partiel chez les parents du 1er degré (déficit en IgA, en sous-classe d'IgG, ou diminution du taux d'IgG ou d'IgM). Les premiers signes débutent souvent à l'âge adulte dans la 2e ou 3e décade, mais dans 20 % des cas le diagnostic est établi après l'âge de 50 ans.
Le taux de lymphocytes est habituellement abaissé mais pas de façon majeure, le taux d'immunoglobulines est effondré avec une diminution des 3 classes IgG, IgA, IgM. Les infections observées sont surtout ORL (sinusite, otite, mastoïdite), trachéobronchiques (peut s'installer un tableau de bronchite chronique avec bronchectasies), ou digestifs.
Outre les complications infectieuses et auto-immunes, trois complications sont à craindre et à rechercher régulièrement :
- la survenue de certains cancers, notamment gastrique (risque x 50) ;
- la survenue de lymphome (risque x 300) ;
- la survenue d'une granulomatose systémique non nécrosante sarcome-like qui s'exprime volontiers par une hépatomégalie, une splénomégalie, une évolution cirrhogène possible, une granulomatose digestive ou embryonnaire.
Le Dr Bruno Casin a insisté sur la fréquence des hypogammaglobulinémies observées dans certaines hémopathies, surtout la leucémie lymphoïde chronique et parfois le myélome.
Au cours de la leucémie lymphoïde chronique, l'hypogammaglobulinémie polyclonale est fréquente mais s'associe habituellement à une lymphopénie touchant plus particulièrement les CD4.
Les infections constituent la première cause de mortalité des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique. Au cours du myélome, l'hypogammaglobulinémie est moins fréquente, mais plus corrélée avec l'évolutivité de la maladie.
Dans la leucémie lymphoïde chronique, une électrophorèse des protéines doit être réalisée tous les un à deux ans pour rechercher la survenue d'une hypogammaglobulinémie ou bien en cas d'épisode infectieux sévère ou à répétition.
Pour le Dr Bruno Casin, si à l'électrophorèse des protéines le taux d'immunoglobulines est < 4 g/L, le risque infectieux est important. Il y a habituellement une diminution des 3 classes d'immunoglobulines IgG, IgA et IgM.
D'après les communications des Drs Bruno Casin (CHRU Lille),
Marianne Debré (hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris), Myriam Labalette (CHRU Lille)
et du Pr Eric Hachulla (CHRU Lille),
en partenariat avec les Laboratoires Baxter Hyland Immuno.
Mode d'emploi des immunoglobulines polyvalentes à domicile
Le Dr Marianne Debré (pédiatre à l'hôpital Necker - Enfants-Malades) s'occupe particulièrement de la prise en charge des enfants atteints de déficit de l'immunité cellulaire et humorale. Depuis 1991, à la demande des patients, elle a été amenée à développer l'utilisation des immunoglobulines polyvalentes à domicile. La situation est d'autant plus particulière qu'il n'y a pas de cadre réglementaire tant pour la dispensation que pour l'administration des immunoglobulines polyvalentes à domicile. Néanmoins, des critères d'éligibilité ont été établis pour sélectionner les patients qui pourront bénéficier des cures à domicile :
- motivation affirmée de la famille et du patient ;
- nécessité d'un abord veineux facile ;
- taux de plaquettes normal ;
- il est nécessaire que la tolérance des Ig4 soit parfaite en hospitalisation pendant au moins six mois ;
- engagement de la présence effective au cours de la perfusion d'un adulte responsable et formé à la technique (les parents peuvent être amenés à apprendre à mettre eux-mêmes une voie veineuse à leur enfant) ;
- nécessité d'information du médecin traitant ;
- nécessité pour le patient d'avoir un téléphone à domicile.
Les règles de prophylaxie anti-infectieuse dans la LLC
Des perfusions régulières d'immunoglobulines polyvalentes dans la LLC plus que dans le myélome est nécessaire pour éviter un risque infectieux dans les situations suivantes :
- si le taux d'immunoglobulines totales à l'électrophorèse des protéines est < 4 g/l et s'il s'y associe des épisodes infectieux sévères ou à répétition ;
- ou s'il existe un risque additionnel d'infection :
une neutropénie, une chimiothérapie en cours, une insuffisance respiratoire chronique, si le patient est diabétique, en cas d'antécédent de splénectomie, s'il y a un traitement corticoïde associé (des patients atteints de LLC sont à risque d'anémie hémolytique auto-immune et de purpura thrombopénique immunologique justifiant alors parfois des traitements corticoïdes prolongés).
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