Au plan neurologique, la trisomie 21 est caractérisée par une réduction du nombre de neurones corticaux et des anomalies de l'organisation corticale, ainsi que des malformations des réseaux dendritiques et des synapses. A priori, certaines, au moins, de ces malformations peuvent être attribuées à des dysrégulations de gènes impliqués dans le développement neurologique, exprimés précocement dans la vie embryonnaire.
C'est ce qu'a vérifié une équipe britannique, en analysant le profil des ARNm extraits de neurosphères, c'est-à-dire de cellules neurales pluripotentes (capables de se différencier en neurones, astrocytes et oligodendrocytes) provenant de ftus agés de 8 à 18 semaines, atteints ou non de trisomie 21.
Les comparaisons ont permis de mettre en évidence la disparition complète de l'expression des gènes SCG10 et L1, et une diminution marquée de l'expression des gènes de la synapsine et de la tubuline bêta 4.f Ces gènes ont deux points communs. Premièrement, il s'agit de gènes impliqués dans la plasticité synaptique, ainsi que dans l'élongation axonale et dendritique. Deuxièmement, il s'agit de gènes exprimés sous contrôle d'un facteur répresseur, dit REST (Repressor Element-1 Silencing Transcription Factor). Le gène DSCAM, qui code une protéine aux fonctions très voisines de celles de la protéine L1 - l'une et l'autre sont des protéines d'adhésion cellulaire impliquées dans la croissance axonale -, mais qui n'est pas sous le contrôle de REST, a d'ailleurs lui aussi été testé : son expression paraît normale dans les cellules trisomiques.
Une contradiction majeure
Il serait un peu rapide de conclure que REST est responsable des anomalies neurologiques de la trisomie 21. Les résultats britanniques font en effet ressortir une contradiction majeure. On s'attendrait que REST, facteur répresseur, soit surexprimé dans les cellules trisomiques. Or il est au contraire sous-exprimé (de 49 %).
Dans ces conditions, on s'explique mal la régulation négative des gènes de développement en principe réprimés par REST. Comme REST s'exprime sous plusieurs formes, résultant d'épissages alternatifs, et que ces formes ne diminuent pas dans les mêmes proportions dans les cellules trisomiques, les auteurs proposent une explication quelque peu alambiquée. Selon eux, le facteur REST pourrait en fait agir dans un sens ou l'autre selon les proportions relatives de ses différentes formes. Ce n'est pas exclu. Mais en l'état actuel des choses, le mieux est de concéder l'ignorance.
Reste la mise en cause de différentes protéines impliquées dans la différenciation neuronale. L'observation moléculaire a été confirmée par mise en culture des neurosphères dans des conditions permettant la différenciation : quand la moitié des cellules normales se différencie en neurones, seules quelques rares cellules trisomiques se différencient - et encore présentent-elles des anomalies morphologiques et un développement dendritique réduit.
Ces résultats demandent maintenant à être approfondis, pour comprendre véritablement les anomalies mises en jeu à l'échelle moléculaire.
S. Bahn et coll. « Lancet » 2002 ; 359 : 310-15.
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