« À l’époque, on nous déconseillait de nous regrouper ! » : le Dr Pierre-Yves Traynard est un pionnier.
En 1982, ce généraliste a fondé, avec des confrères, une maison de santé à Paris, qui sert désormais de laboratoire au moment où le gouvernement encourage ce mode d’exercice. La structure regroupe 13 professionnels de santé : quatre médecins généralistes, deux infirmières, deux ostéopathes, deux kinés, deux dentistes et une diététicienne.
Ce site teste depuis 2008 les ENMR (expérimentations sur les nouveaux modes de rémunérations) des professionnels de santé, qui valorisent le travail en équipe et favorisent la coordination des soins notamment en faveur des patients souffrant de pathologies chroniques. Le gouvernement entend généraliser et pérenniser ces nouvelles rémunérations d’équipe, après les avoir étendu à plus de 300 structures en 2014. Les négociations sur le sujet ont débuté à la CNAM, mercredi 28 mai, dans un climat tendu en raison des divergences sur le cadre juridique des discussions.
35 000 euros par an au titre de la rémunération par équipe
« Cette coordination, nous l’avons toujours pratiquée, mais sans reconnaissance, sans réalité financière. Désormais, c’est plus formalisé », explique le Dr Traynard.
La structure perçoit environ 35 000 euros par an, redistribués en frais de fonctionnement et rémunération pour la coordination entre les 13 professionnels. « Cela a permis d’investir dans un secrétariat commun, dans les locaux, c’est un confort qui donne la possibilité au praticien de se détacher de son activité de soins pour s’occuper des activités de prévention et d’éducation ou des projets de coopération avec les autres professionnels », détaille-t-il.
Dans le cadre de cette expérimentation, les équipes sont incitées à mettre en place des protocoles autorisant par exemple les infirmières à effectuer certains actes par délégation.
Partage des connaissances
« Il y a une mise en commun. En tant que médecin, nous avons une autre vision du travail des paramédicaux avec lesquels nous travaillons en bonne intelligence », explique Véronique Jammeron, autre médecin généraliste. L’infirmière qui refait un pansement peut traverser le couloir pour voir avec le praticien comment la blessure a évolué, le médecin consulte son collègue dentiste pour un problème de mâchoire sur une patiente : « ici pas besoin de courrier ou de coup de téléphone, l’information passe entre nous par la porte ouverte ! Et on a souvent fait avancer des cas grâce à cela », raconte Philippe Le Moing, kiné-ostéopathe.
Le suivi des patients s’en trouve amélioré.
Odile Cadeau fréquente le centre depuis six ans, où elle consulte régulièrement dentiste, médecin, kiné et infirmière : « Ils sont très à l’écoute et je sais que je ne pourrais pas aller ailleurs », témoigne-t-elle. « C’est plus rapide, sécurisant, c’est très familial et les praticiens sont plus détendus », ajoute-t-elle.
« Un vrai dialogue entre les praticiens »
L’équipe s’est également dotée d’un système informatique commun pour créer des dossiers partagés sur les patients, où sont répertoriés les comptes rendus d’hospitalisation, les ordonnances, les traitements, les courriers, etc. « On reconstruit plus facilement le parcours » des malades, assure Mme Jammeron. « Il m’est arrivé de consulter le dossier d’une patiente qui s’était trompée d’ordonnance afin de récupérer la prescription du médecin pour pouvoir quand même lui faire sa prise de sang », raconte Odile Ursat, infirmière.
Selon elle, « il y a un vrai dialogue avec les praticiens : l’un est spécialisé dans le diabète, l’autre exerce une partie de son temps à l’hôpital. Pour nous, c’est un peu de la formation continue ». « Tout le monde ici a appris les uns des autres », renchérit M. Traynard. « C’est une nouvelle dimension de la pratique soignante. »
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