Traumatisés crâniens, des structures sur mesure

Publié le 23/01/2009
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Pour les traumatisés crâniens, la réinsertion sociale complète est impossible étant donné l’ampleur des séquelles. Et les structures manquent. Pas à Chartres, qui propose hébergement en foyer, en colocation, ou retour encadré à domicile.

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Antoine, Laurent, Bertrand, Annick et les seize autres résidents du foyer des Tamaris, à Champhol, près de Chartres, n’ont pas choisi de changer de vie. Et pourtant… Un accident de moto, de vélo ou une chute d’un toit, et tout a basculé, comme pour les quelque 160 000 traumatisés crâniens graves recensés chaque année en France. Ils vivent désormais en foyer d’accueil médicalisé. « Les séquelles dont ils souffrent leur interdisent pour l’instant toute réintégration complète dans la société, et aucun d’entre eux n’est apte à reprendre un travail à plein-temps », expose Hervé Viquesnel qui, après dix-huit ans de médecine générale en milieu semi-rural, est devenu médecin coordonnateur au foyer d’accueil médicalisé des Tamaris. Mais si la vie n’est plus la même, elle continue, et à Champhol, chaque résident bâtit un projet. « L’objectif n’est pas forcément de rester toute sa vie au foyer, poursuit le médecin. Le blessé peut envisager un retour chez lui, un placement en famille d’accueil, une colocation en maison familiale ». Le concept est novateur : peu de régions offrent un éventail aussi large pour ces blessés, et les traumatisés crâniens sont encore souvent placés en psychiatrie, en centre dédié au handicap moteur voire… en maison de retraite ! « A Chartres, nous avons la chance d’avoir une association de patients très dynamique, l’AFTC 28, qui a favorisé la création et le développement de structures adaptées, explique le Dr Viquesnel. Depuis 2001, nous disposons des Tamaris, le foyer d’accueil médicalisé uniquement dédié aux victimes de traumatisme crânien et lésions cérébrales acquises, mais aussi, depuis octobre 2007 d’une équipe mobile, le Samsah, et enfin de deux maisons familiales qui hébergent quatre ou cinq colocataires traumatisés crâniens. La création du Samsah a révolutionné les choses. On s’est assez vite rendu compte des limites du foyer : une fois entré, aucun patient n’en sort. Impossible, donc, d’accueillir de nouveaux traumatisés crâniens ! La solution a été de créer cette unité mobile de soins (éducateurs, ergothérapeute, aides-soignantes, neuropsychologue, cadre de santé, assistante sociale), qui permet de suivre les patients placés dans des logements à l’extérieur du foyer.

Vivre aux tamaris

Antoine, âgé d’une vingtaine d’années, habite aux Tamaris depuis un an. Après son traumatisme suite à un accident de vélo, il était revenu chez ses parents, mais cela ne se passait pas très bien. « J’étais difficile à vivre, avoue-t-il. Depuis que je suis au foyer, je me sens mieux, je vois du monde, je fais du sport, et je retourne dans ma famille un week-end sur deux ». Comme chaque résident des Tamaris, Antoine a son propre studio avec le mobilier et les affaires personnelles qu’il souhaite. « Ici, je me sens chez moi », confie-t-il, en regardant les photos de sa famille affichées aux murs. Le foyer comprend un salon d’esthétique, très prisé des résidents, une salle de thalassothérapie, deux salles de détente appelées « tisanières », une salle pour les cours de cuisine, une grande salle de kiné, un bureau d’ergothérapie où l’on pratique des travaux manuels, une salle de jeu et de réunion, une salle informatique avec deux ordinateurs, accès Internet, etc. Toutefois, Laurent, installé au foyer depuis 2001, aspire à plus d’autonomie. « J’ai fait beaucoup de progrès ici. Je suis moins sauvage, je fais plus attention à moi, je vais à la piscine ou au cinéma tout seul. J’ai fini par accepter mon handicap. Je me sens prêt à aller vivre ailleurs, d’abord dans une maison des Quatre (voir ci-dessous), puis dans mon propre appartement. » Les deux maisons familiales (Champhol et Luisant) étant complètes, il attend avec impatience l’ouverture des deux autres prévues en 2010.

La maison des Quatre… ou cinq !

Myriam, Jean, François, Christian et Jean-Michel sont les heureux élus qui ont intégré depuis juillet 2007 la maison familiale de Luisant, un pavillon dans une zone résidentielle de Chartres. Jérôme, le coordinateur de maison, habite là et gère la vie au quotidien : repas, ménage, courses. Les résidents bénéficient tous les jours des services de trois ou quatre auxiliaires de vie sociale (TCA 28) et de l’équipe médico-sociale (Samsah), avec une aide soignante en veille de nuit. Ils se sont connus au foyer de Champhol et ont élaboré ensemble leur projet de vie en maison familiale. Après une anoxie cérébrale post-IDM, Jean est physiquement valide, mais a des difficultés cognitives qui l’empêchent de retourner vivre avec sa femme. « Les victimes de traumatisme crânien ne savent plus organiser leur pensée pour réaliser un acte simple : faire leur toilette, par exemple. L’aide soignante les guide, souvent par la parole, pour qu’ils sachent comment procéder pour se laver et dans quel ordre. Dans ma chambre, les aides soignantes ont affiché les vêtements que je dois mettre, car j’ai perdu toute sensation de température ». Ces béquilles mnésiques sont indispensables.

Myriam, traumatisée crânienne après un accident de la vie, est handicapée moteur et aphasique. Pourtant, dans la maison des Quatre, elle a trouvé son équilibre. Dans sa chambre, avec grande minutie, elle crée de magnifiques bijoux en perles de couleur. Tous les locataires ont ainsi leur intimité, mais partagent des moments de vie, notamment les repas préparés chaque jour par l’un d’entre eux. « Aidé par le coordonnateur de maison, bien sûr ! », lance Christian, paraplégique, et qui loge, comme Myriam, dans une chambre adaptée à son handicap.

Enfin, on peut envisager un retour à domicile. C’est le cas de seize personnes sur Chartres. Dans ce cas, le Samsah et le TCA 28 prennent là aussi le relais du foyer. « Avec tout le réseau qui s’est monté, nous sommes gâtés…, réalise Hervé Viquesnel. Mais il reste des problèmes non résolus, notamment celui des plus de 60 ans, dont la prise en charge financière en foyer n’est plus assurée, et qui doivent alors aller en maison de retraite. Aux Tamaris, certains frisent les 58 ans. Il nous reste deux ans pour nous organiser ! ». Il songe déjà à monter une maison familiale pour handicapés vieillissants…

Reportage réalisé par Charlotte Demarti.

Source : Le Généraliste: 2474