O N sait que les chimiokines RANTES ET MIP-1 alpha sont impliquées dans les rejets de greffes, aigu et chronique. Or, ces chimiokines se fixent sur le récepteur CCR5.
On sait aussi qu'une délétion de 32 paires de bases de CCR5 (mutation dite delta 32) est retrouvée avec une fréquence élevée en Europe et en Amérique du Nord : 10-15 % pour l'hétérozygotie et 1 % pour l'homozygotie. Cette mutation a été bien étudiée dans l'infection à VIH : une homozygotie est hautement associée à une résistance au virus et une hétérozygotie à une évolution plus lente de l'infection. Elle a aussi été associée à un faible risque d'asthme. Elle aurait également un effet positif sur l'évolution de maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde et la sclérose en plaques. Enfin, rétrospectivement, on a pensé qu'elle avait conféré une protection contre la peste européenne au XIVe siècle et que, réciproquement, c'est la peste qui a sélectionné des populations porteuses de la mutation.
Les chimiokines RANTES et MIP-1 alpha dans le rejet
Etant donné l'implication de RANTES et de MIP-1 alpha dans le rejet, il était légitime de se demander si une délétion delta 32 de CCR5 pouvait conférer un avantage aux transplantés. C'est ce qu'ont fait des Allemands en association avec des Suisses.
L'étude, conduite dans six centres européens de dialyse ou de transplantation entre janvier 1998 et mars 2000, a porté sur 1 227 patients. Par PCR, on a recherché, chez tous ces sujets, une mutation delta 32 de CCR5.
La PCR a permis d'identifier 21 homozygotes pour la mutation delta 32 (1,7 %), 248 hétérozygotes (20,2 %) pour cette mutation et 958 sujets homozygotes pour le CCR5 normal.
Au total, on a pu suivre 576 patients ayant reçu une première transplantation rénale. La proportion de sujets ayant un rein de donneur vivant était la même dans le groupe homozygote pour la délétion que chez les autres patients.
Des rejets prouvés histologiquement sont survenus chez 21 patients homozygotes pour la mutation delta 32 de CCR5. Mais, malgré ces épisodes, la survie du greffon a été bonne : la fonction du greffon n'a été perdue que chez 1 de ces 21 patients.
Dans le groupe contrôle (les hétérozygotes et les homozygotes pour le CCR5 normal), on a observé 78 pertes de la fonction du greffon. A noter que les hétérozygotes ne tirent aucun bénéfice en termes de survie du greffon.
Un mécanisme lié à la préservation de la fonction rénale
Ainsi, cinq et dix ans après la transplantation, la proportion de greffons perdus était significativement plus faible dans le groupe des homozygotes delta 32 que dans le groupe contrôle. Si l'on considère que la probabilité de perdre un greffon était de 1 dans le groupe contrôle, elle n'était que de 0,367 dans le groupe homozygote delta 32.
Cette étude « montre que l'homozygotie delta 32 de CCR5 joue un rôle important pour prolonger la vie des greffons rénaux, par un mécanisme lié à la préservation de la fonction rénale », soulignent deux éditorialistes, californiens.
« Cette étude, poursuivent-ils, montre que le polymorphisme d'un récepteur aux chimiokines peut se comporter comme un déterminant majeur pour la survie d'un greffon à long terme. »
Il faut rappeler que d'autres récepteurs aux chimiokines et leurs ligands (CCR1 et CXCR3) semblent, à l'inverse, prédisposer nettement au rejet de greffe. « Ainsi, le rôle essentiel des chimiokines dans l'immunologie de la transplantation est en train de s'étendre. » Cela devrait « paver la route » du développement d'agents pharmaceutiques destinés à améliorer la survie à long terme des greffons.
« Lancet » du 2 juin 2001, pp. 1758-1761 et 1725-1726.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature