de notre envoyée spéciale
à Lisbonne
Avec les spectaculaires progrès thérapeutiques réalisés en matière de greffe au début des années quatre-vingt (maîtrise des phénomènes de rejet), le nombre de greffes a augmenté de façon très nette.
En France, ce nombre est passé de 1 360 en 1985 à 3 572 en 1991, puis il a baissé chaque année : en 1996, 2 757 patients seulement ont été greffés (soit - 23 %), 1 638 ont reçu un rein alors que 4 113 patients étaient en attente de greffe*.
Depuis quelques années, le nombre de greffes augmente légèrement sans atteindre celui de 1991 : en 1999, 1 842 patients seulement ont été greffés, faute de greffons disponibles, en 2000, 4 893 patients étaient sur liste d'attente*.
Cette carence, liée dans 50 % des cas à l'opposition des familles au prélèvement d'organes sur un proche en état de mort cérébrale, explique l'augmentation des transplantations rénales faites à partir de donneurs vivants, dont le nombre est passé de 57 en 1996 à 84 en 2000.
Les risques potentiels des immunosuppresseurs
La commercialisation de la ciclosporine en 1983 a ouvert la voie à de nouveaux immunosuppresseurs indiqués dans la prévention du rejet d'allogreffe d'organe, et qui ont fait la preuve de leur efficacité en améliorant la survie du greffon.
Cependant, administrés au long cours, ils sont susceptibles d'entraîner des effets secondaires : les uns sont liés à l'immunodéficience, avec son corollaire, la diminution des défenses de l'organisme contre les bactéries et les virus auxquels s'ajoute l'augmentation du risque carcinologique (risque accru de cancers cutanés et de lymphomes), les autres sont liés à leur toxicité propre : troubles métaboliques, toxicité neurologique, néphrotoxicité, qui constituent un réel problème (7 % des patients greffés ont une insuffisance rénale).
Les spécialistes attendaient donc de nouveaux médicaments entraînant moins d'effets secondaires, ce qui permettrait d'optimiser leur utilisation et ainsi de mieux prévenir les épisodes de rejet.
Le sirolimus
Le sirolimus (Rapamune), chef de file d'une nouvelle famille d'immunosuppresseurs, les rapamycines, agit par un mécanisme d'action différent de celui des anticalcineurines et des autres immunosuppresseurs. Premier inhibiteur de la mTOR, il bloque de façon sélective les messages transmis par l'IL2 ou l'IL4, indispensables au déclenchement du cycle cellulaire, inhibant ainsi l'activation et la prolifération des lymphocytes-T. Outre ce mode d'action original, le sirolimus a un intérêt majeur : il est dépourvu de néphrotoxicité.
Rapamune, qui a obtenu en mars 2001 une autorisation de mise sur le marché de l'Agence européenne d'évaluation des médicaments, est indiqué en prévention du rejet d'organes chez les patients adultes présentant un risque immunologique faible à modéré recevant une transplantation rénale.
Il est recommandé d'initier le traitement par Rapamune en association avec la ciclosporine microémulsion et les stéroïdes pendant deux à trois mois. En traitement d'entretien, Rapamune peut être poursuivi en association avec les corticostéroïdes si la ciclosporine peut être arrêtée progressivement.
Ce traitement impose, d'une part, le dosage régulier de sa concentration dans le sang pour adapter la posologie, d'autre part, une surveillance liée au risque d'augmentation des triglycérides et du cholestérol, et au risque d'interactions médicamenteuses éventuelles.
Cependant, le sirolimus, comme tous les immunosuppresseurs utilisés actuellement au long cours, induit un déficit immunitaire. L'objectif des chercheurs est d'obtenir un traitement spécifique ciblé sur les mécanismes de rejet.
Le concept d'induction d'une tolérance
L'induction de tolérance est un nouveau concept sur lequel les spécialistes de la transplantation fondent beaucoup d'espoir : il consiste à induire, par une manipulation thérapeutique de courte durée des systèmes immunitaires, une tolérance de l'organisme receveur vis-à-vis du greffon.
Les résultats des premières études d'expérimentation animale sont encourageants et laissent espérer que cette stratégie thérapeutique sera transposable à l'homme.
Lisbonne. 10e Congrès de la Société européenne de transplantation d'organe. Conférence de presse organisée par les Laboratoires Wyeth-Ayerst, présidée par le Pr Alexandre Linhares Furtado et avec la participation des Pr S. Peter Friend (Oxford, Royaume-Uni) et Henri Kreis (hôpital Necker, Paris, France).
* D'après l'Etablissement français des greffes (EFG). Entante-Information et échange, avril, n° 15.
La Rapamune Maintenance Regimen Study
Une étude multicentrique randomisée (Rapamune Maintenance Regimen Study)* a été menée en Europe, en Australie et au Canada chez 525 patients qui venaient de recevoir une allogreffe de rein pour évaluer les conséquences de la suppression de la ciclosporine d'un traitement associant sirolimus, ciclosporine (microémulsion) et corticostéroïdes.
Après trois mois de traitement, par l'association sirolimus, ciclosporine, corticostéroïdes, les patients ont été randomisés : les uns ont poursuivi le même traitement, les autres, chez lesquels la ciclosporine a été supprimée progressivement en quatre à six semaines, ont reçu le sirolimus et les corticostéroïdes. A deux ans, le retrait de la ciclosporine n'a retenti ni sur la survie des greffons, ni sur celle des patients, et s'est accompagnée d'une amélioration de la fonction rénale et de la pression artérielle.
Ces résultats préliminaires suggèrent que la combinaison sirolimus-ciclosporine- corticostéroïdes, administrée pendant trois mois après la transplantation, suivie par un traitement associant sirolimus et corticostéroïdes, après suppression progressive de la ciclosporine, pourrait être une alternative au traitement continu par sirolimus-ciclosporine- corticostéroïdes.
* Robert W. G Johnson et coll. « Transplantation », 2001 ; 72 : 777-787.
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