«L'infection par le VIH a longtemps constitué une contre-indication à la transplantation hépatique, en raison même dupronostic de la maladie infectieuse. Mais avec l'apparition des traitements antirétroviraux, ladurée de vie des patients s'est nettement prolongée et, désormais, cette infection n'est plus unobstacle à la pratique de la transplantation. Aujourd'hui, à l'hôpital Paul-Brousse, à Villejuif, près de 80transplantations ont été effectuées dans cette indication. Il s'agit de la plus grande série monocentrique au monde», analyse le Dr Jean-Charles Duclos-Vallée (hôpital Paul-Brousse, Villejuif) dans un entretien avec « le Quotidien ». Actuellement, 30 % des patients infectés par le VIH sont aussi porteurs du virus de l'hépatite C et 10 % du virus de l'hépatite B. La coïnfection VIH-VHB ou VHC s'associe généralement à une progression rapide des lésions hépatiques vers une cirrhose qui menace le pronostic vital. On estime que 15 à 25 % des patients développent une cirrhose en moins de quinze ans d'évolution. L'expérience clinique des hépatologues de l'hôpital Paul-Brousse repose sur une cohorte de 15 patients coïnfectés VIH-VHB et 65 patients par le VIH-VHC. Si, dans les deux cas, le prérequis reste un très bon contrôle de la réplication du VIH, les problèmes posés par ces transplantations sont distincts.
Carcinome hépatocellulaire.
La coïnfection avec un VHB peut conduire à l'apparition d'un carcinome hépatocellulaire ou cancer primitif du foie. C'est dans cette indication qu'une greffe hépatique peut être proposée. L'utilisation d'une combinaison de molécules antivirales (lamivudine-ténofovir ou FTC-ténofovir) et l'injection d'Ig anti-VHB permet une action rapide sur la réplication du VHB et du VIH, et, de ce fait, contribue à un excellent contrôle de la récidive virale sur le greffon. «Dans la cohorte de l'hôpital Paul-Brousse, nous n'avons déploré que deux cas de récidive précoce de la maladie hépatique», explique le Dr Duclos-Vallée.
Chez les patients coïnfectés VIH-VHC, la récidive virale C sur le greffon est constante et volontiers sévère. Elle se manifeste par l'apparition d'une hépatite chronique caractérisée par une fibrose rapidement évolutive. «Au sein de notre cohorte, le taux de récidive était important: 22% de fibrose sévère et 9% de cirrhose. La vitesse de fibrose calculée à partir du taux de fibrose rapportée au temps écoulé depuis la greffe était significativement plus élevée dans la population coïnfectée que chez les patients mono-infectés. Enfin, la charge virale C était aussi plus importante chez les sujets coïnfectés», poursuit le Dr Duclos-Vallée.
Une liste de critères cliniques.
«Aujourd'hui, on sait mieux prévenir les récidives sévères en choisissant des donneurs pas trop âgés, en limitant les flashs de corticoïdes, en maîtrisant l'immunosuppression et en traitant par interféron pégylé-ribavirine les hépatites aiguës sévères. Par ailleurs, on sait aussi que le score de MELD (Model End stage Liver Disease : créatine, bilirubine, INR) du receveur apparaît comme un facteur de risque indépendant de la récidive virale. Noustravaillons désormais à établir une liste de critères cliniques permettant d'adresser le patient au centre de transplantation au moment idéal et à mettre en place des protocoles thérapeutiques qui limitent la récidive du VHC en post-transplantation.»
D'après un entretien avec le Dr Jean-Charles-Duclos-Vallée, département des maladies du foie et INSERM U785, hôpital Paul-Brousse Villejuif.
« Hepatol J », 2008 May ; 48(5):697-707.
« Hepatology », 2008 Feb ; 47(2):407-+17.
« Med Sci » (Paris), 2007 Aug-Sep 2 3(8-9): 723-8.
« Liver Transpl », 2006 May ; 12(5):699-701.
La toxicité hépatique et pancréatique des antirétroviraux
Les trois classes d'antiviraux les plus utilisées – analogues nucléosidiques, inhibiteurs de protéase et analogues non nucléosidiques – sont susceptibles d'induire une toxicité hépatique. Deux types d'hépatotoxicité ont été décrits : stéatose microvésiculaire associée à une acidose lactique avec les analogues nucléosidiques et toxicité mitochondriale sévère en rapport avec une inhibition de la gamma ADN polymérase. «Dans notre expérience pratique, il semblerait par ailleurs que les analogues nucléosidiques puissent être à l'origine de pancréatite aiguë dans les suites de la transplantation», explique le Dr Duclos-Vallée.
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