L A survie des transplantés cardiaques est limitée par le rejet et la maladie coronaire accélérée. Une infection virale du myocarde pourrait-elle dans certains cas être sous-jacente à ces complications et être la cause de l'échec de greffe ?
Shirali, Towbin et coll. (Baylor College of Medicine, Houston) ont examiné cette question dans une étude prospective d'enfants ayant reçu une greffe de cœur entre 1993 et 1998 à l'hôpital universitaire de Loma Linda en Californie. Les enfants (âgés en moyenne de 2,3 mois) ont été enrôlés dans l'étude au moment de la greffe et des biopsies myocardiques répétées ont été effectuées dans le cadre d'une surveillance systématique du rejet, ou lors de signes cliniques de rejet, ou après le traitement d'un rejet.
En utilisant une batterie de tests PCR permettant de détecter le génome de divers virus (adénovirus, cytomégalovirus, entérovirus, Herpes simplex, parvovirus, et Epstein-Barr), les investigateurs ont analysé en aveugle 553 biopsies myocardiques sériées provenant de 149 enfants greffés (de 1 à 17 biopsies par patient pendant les cinq années d'étude, et en moyenne 3 biopsies par patient).
85 % de complications myocardiques
Résultat, un génome viral a été détecté dans 48 prélèvements biopsiques provenant de 34 enfants greffés (23 %). Parmi ces 34 enfants porteurs d'un génome viral dans le myocarde, 29 (85 %) ont présenté une complication cardiaque dans les trois mois suivant la biopsie positive et le greffon a été perdu chez 9 des 34 enfants du fait d'une athérosclérose coronaire accélérée ou d'un rejet aigu ou chronique.
En comparaison, parmi les 115 enfants trouvés avec des tests PCR négatifs, autrement dit sans génome viral dans le myocarde, seuls 39 enfants (34 %) ont présenté une complication cardiaque dans les trois mois suivant la biopsie négative et aucune perte de greffon n'est survenue dans ce groupe.
Ainsi, le risque de perte du greffon est 6,5 fois plus élevé chez les enfants greffés qui présentent un test PCR positif (ou une infection virale myocardique). De façon surprenante, l'adénovirus se révèle le virus le plus souvent associé aux complications, y compris à la perte du greffon, à court et à long terme. Puis, viennent l'entérovirus (trois fois moins fréquent que l'adénovirus), le cytomégalovirus, et le parvovirus.
« Bien que nos résultats suggèrent que l'infection virale provoque le rejet », une autre possibilité moins probable est celle d'une « causalité inversée » : « le cœur transplanté en phase précoce de rejet pourrait être plus susceptible à l'infection virale, laquelle se trouve être un phénomène secondaire », notent les investigateurs. Si les infections virales entraînent un rejet tardif et d'autres séquelles à long terme, ajoutent-ils, il pourrait être important d'étudier l'utilisation de vaccins avant la greffe et d'évaluer des traitements antiviraux ou des immunoglobulines IV en cas d'infection myocardique.
Selon le Dr Avery (Cleveland Clinic Foundation, Ohio), auteur d'un éditorial, « des études supplémentaires seront nécessaires pour déterminer si l'association observée est vraiment une association causale, pour établir si elle est d'importance clinique chez les adultes receveurs de greffe et pour déterminer si l'effet est spécifique de l'adénovirus ou reflète une voie plus générale déclenchée par un virus ».
« Si cette association est confirmée, ajoute-t-il, alors des évaluations rigoureuses de stratégies thérapeutiques potentielles devraient être entreprises afin de déterminer quelles sont les meilleures interventions, dans le cas d'un test PCR positif pour l'adénovirus, et afin de découvrir si le test PCR de dépistage est d'un bon rapport efficacité-coût. De plus, il faudrait déterminer si la réplication virale est nécessaire pour la survenue de cet effet, afin de mieux savoir s'il pourrait y avoir des répercussions pour l'utilisation du transfert génique par vecteur adénoviral incapable de réplication dans la transplantation. »
« New England Journal of Medicine » 17 mai 2001, pp. 1498 et 1545.
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