Pour sa 20e édition des « jeudis de l'Ordre », conférences-réflexions sur des thèmes d'actualité médicale, le CNOM avait choisi le sujet du transfert de compétences. Un sujet d'actualité au vu du rapport d'étape que le doyen Berland a rendu sur le sujet à Jean-François Mattei voilà quelques semaines, et au vu également du problème spécifique des ophtalmos, l'une des spécialités le plus touchées par la crise démographique, et à ce titre concernée au premier chef par le débat.
Premier à intervenir, le Pr Berland rappela tout d'abord quelques faits : le temps médical théorique à consacrer à chaque patient augmente, alors que le temps médical effectivement consacré diminue. La faute des « charges administratives et sécuritaires croissantes » et du vieillissement des médecins. Pour Yvon Berland, « si on laisse les choses s'organiser seules, on risque d'aller dans le mur ; il faut donc regarder ailleurs ce qui se fait et voir si on peut transposer à la France ».
Et de rappeler qu'aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons en général, les transferts de compétence sont assez développés et fonctionnent plutôt bien. Mais comme en la matière la réflexion est moins aboutie chez nous que dans d'autres pays, il faut prendre conscience que développer les transferts de compétences vers certaines disciplines comme l'échographie, la radiologie ou l'ophtalmologie ne pose pas de problème insurmontable, dans la mesure où le personnel paramédical existe déjà, alors que dans certaines autres disciplines, il faudra former un personnel.
Pour Yvon Berland, en effet, « il est difficile de lancer des expérimentations avec des acteurs qui n'existent pas ». Ce qui n'empêche pas certaines spécialités comme la chirurgie de pratiquer le transfert de compétence pour certains actes techniques, sans le dire, conclut-il.
Pour le Pr Henry Hamard, de l'Académie de médecine, et consultant à l'hôpital des Quinze-vingts, « l'ophtalmologie est exemplaire de ce qui est possible en la matière ». En effet, cette spécialité est déjà aidée par les orthoptistes, et dispose d'une liste d'actes qui peuvent être délégués. En réponse à une question du Dr Ducloux, président du CNOM, qui s'interrogeait sur le point de savoir si la responsabilité de l'acte délégué serait elle-même déléguée, le Pr Hamard indiqua que, à son sens, « la responsabilité et l'interprétation d'un acte délégué doit toujours revenir au médecin ». Mais, selon lui, la démographie des ophtalmos est à ce point sinistrée, qu'il faudra à terme « augmenter le domaine de compétences des orthoptistes afin de récupérer du temps médical pour les ophtalmos ».
Une coopération qui fonctionne bien
Une affirmation tempérée par Marie-Hélène Abadie, présidente du SNAO (Syndicat national autonome des orthoptistes), pour qui « les expérimentations de transferts de compétences menées avec les ophtalmos depuis quelque temps fonctionnent bien, aux dires des intéressés, mais on manque encore de recul pour porter un jugement d'ensemble ». Selon Mme Abadie, les orthoptistes, qui existent depuis les années 1950, « ont mis trente ans à passer du statut d'aide-orthoptiste à celui d'orthoptiste tout court, trente ans à sortir de cette tutelle, ce n'est pas pour y retomber aujourd'hui ; d'où l'importance de bien définir les termes de la collaboration entre les deux professions ». Mais elle reconnaît que cette profession est bien organisée dans son rapport avec les ophtalmos : la profession est officialisée et organisée par un décret de compétences, et dispose d'une nomenclature. De plus, la qualité de la formation qui est dispensée est, toujours selon elle, suffisante pour assumer ce transfert. La seule chose à améliorer dans cet enseignement n'étant, selon elle, ni son niveau ni sa qualité, mais son homogénéité : « Il faut unifier cet enseignement au niveau national, car d'un CHU à l'autre, il est par trop disparate. »
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