L'épisode dépressif mineur est une dépression à bas bruit, l'humeur étant à la limite de la normale. Le terme « mineur » retenu par la nosologie psychiatrique sous-évalue cependant la gravité de ce trouble, qui peut induire une souffrance psychologique importante et évoluer vers une dépression majeure.
L'EPISODE dépressif mineur (EDm) correspond à un ensemble de troubles dépressifs de faible intensité persistant depuis moins de deux ans. Il doit être distingué de la dysthymie, qui est une dépression mineure chronique (plus de deux ans), ainsi que des syndromes résiduels d'un épisode dépressif majeur (EDM) et des symptômes prodromiques d'un EDM.
Le « trouble dépressif mineur » est inscrit dans le DSM-IV comme une dépression comportant deux à quatre symptômes de l'EDM, parmi lesquels se trouve obligatoirement l'humeur dépressive et/ou l'anhédonie sans antécédent d'EDM. Cependant, il est apparu que certains troubles dépressifs mineurs existaient sans ces deux symptômes. Aussi le concept de « dépression subsyndromique » avec deux à quatre symptômes sans humeur dépressive ou anhédonie a-t-il été créé. En pratique clinique, la différence entre ces deux concepts est assez arbitraire et non totalement validée : le trouble dépressif mineur serait plus sévère, aurait plus de retentissement fonctionnel et plus de risque d'évoluer vers un EDM. Faut-il traiter ces symptômes aux confins du normal et du pathologique ?
Les arguments pour traiter.
L'épisode dépressif mineur est fréquent. Sa prévalence est évaluée à 10 % dans la population générale. Même si son retentissement est moindre que celui d'un épisode dépressif majeur, il induit, malgré tout, invalidité et arrêt de travail, fonctionnement social altéré, impact défavorable sur la qualité de vie. Il a aussi un poids socio-économique important en raison de la surutilisation des services de santé. Le risque d'évolution vers un EDM est augmenté d'environ 4 fois (de 1,15 à 9 selon les études) par rapport à un sujet non déprimé. Les facteurs de risque de transformation en EDM sont multiples : antécédents familiaux, maladies chroniques, intensité des symptômes, parmi lesquels se trouve souvent un sentiment de culpabilité. L'épisode dépressif mineur comporte aussi un risque suicidaire plus élevé que dans la population normale. Le risque est multiplié par 3 pour les tentatives de suicide et multiplié par 4 à 6 pour les idées suicidaires. C'est donc un trouble invalidant, responsable d'une souffrance psychologique importante et associé à une augmentation du risque de dépression majeure qu'il est justifié de traiter.
Médicaments ou psychothérapie ?
L'effet des antidépresseurs sur les épisodes dépressifs mineurs a été étudié dans quatre études à des doses comparables à celles utilisées dans les EDM. Les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) étudiés, paroxétine et fluoxétine, ont montré dans ces études une efficacité supérieure sur les symptômes dépressifs à celle des imipraminiques et à celle du placebo (notons que l'effet placebo est important dans les dépressions mineures). Les ISRS ont aussi un impact sur l'altération fonctionnelle, mais uniquement quand celle-ci est très dégradée. Ces composés sont à privilégier en première intention.
Les psychothérapies interpersonnelles et la thérapie comportementale cognitive donnent de bons résultats. La psychothérapie de soutien, en complément du traitement médicamenteux, est bénéfique, mais, comme la dépression mineure est majoritairement traitée en médecine générale, la prescription d'antidépresseurs est généralement isolée. La prise en charge en soins primaires ne dispense pas d'une expertise psychiatrique lorsque des doutes subsistent quant au diagnostic ou à la prise en charge.
La conduite à tenir en pratique.
En pratique, il est conseillé de tenir compte de plusieurs facteurs avant de décider de l'opportunité de traiter et du mode de traitement à retenir.
– Des antécédents de dépression majeure orientent vers des symptômes résiduels ou prodromiques. Les symptômes résiduels doivent être traités comme une dépression majeure par un renforcement thérapeutique. Les symptômes prodromiques nécessitent un traitement précoce sans attendre la constitution de la dépression majeure.
– L'ancienneté et la stabilité des troubles doivent être prises en compte. Des troubles persistant depuis plus de deux ans orientent vers une dysthymie. S'ils durent depuis moins de deux ans, une période d'observation prolongée est nécessaire avant de s'engager dans un traitement spécifique.
– L'existence d'un facteur de stress, susceptible d'expliquer la symptomatologie dépressive, évoque un trouble de l'adaptation, pour lequel une psychothérapie est préférable.
– En présence de troubles comorbides, troubles anxieux, addictifs ou de la personnalité, d'une maladie somatique, une analyse de la sémiologie et une observation prolongée sont nécessaires pour apprécier le lien entre la comorbidité et les troubles dépressifs.
Enfin, l'importance et la nature des symptômes, le niveau de souffrance subjective et d'invalidation sont les critères essentiels pour décider de la mise en route d'un traitement antidépresseur ou bien d'une psychothérapie structurée.
D'après la communication du Pr Patrick Hardy, hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre.
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