PRATIQUE
GENERALITES
Personne âgée
La fracture de l'extrémité supérieure du fémur est en Occident une maladie du patient âgé qui connaît deux causes : ostéoporose endémique, traumatologie urbaine à faible énergie. De nombreux cas sont le fait d'accidents domestiques ou de fractures spontanées. Les fractures du massif trochantérien, fait d'os spongieux consolidant facilement, sont trois à quatre fois plus fréquentes, avec des particularismes régionaux, que les fractures du col dont les formes déplacées pseudarthrosent. Elles intéressent des sujets plutôt plus âgés, sont souvent comminutives, l'ostéosynthèse du massif peut laisser des fragments mobiles qui rendent les suites douloureuses, la mobilisation plus aléatoire, plus difficile que celle des fractures du col traitées par arthroplastie. Il n'y a pas de différence clinique initiale entre les deux types.
La prise en charge est une pièce à deux acteurs : la fracture, qui oriente vers des options chirurgicale, a priori après évaluation préopératoire soigneuse ; le patient lui-même à « l'âge des inégalités », tant il a été dit que la fracture du col est un « mode de décès du vieillard ». Nos patients ont souvent de nombreux antécédents ; angor spontané, insuffisance respiratoire chronique, troubles psychiatriques, surtout dépressifs, compliquent singulièrement la prise en charge.
La mortalité dans l'année suivant la survenue d'une fracture ostéoporotique de l'extrémité supérieure du fémur est estimée à 30 %. Aux atteintes physiologiques préexistantes s'ajoute la morbidité due à la douleur et au décubitus. Le but du traitement est de remettre le patient debout rapidement sans menacer le pronostic vital.
Deux grandes catégories
Dans les fractures du massif trochantérien, au-delà des classifications, deux grandes catégories ont une signification clinique :
- les fractures pertrochantériennes, d'une part, sont réduites en rotation et traction, accessibles facilement à l'ostéosynthèse avec un matériel standard ;
- les fractures sous-trochantériennes et trochantéro-diaphysaires, d'autre part, interrompent la continuité du massif et de la diaphyse fémorale, ne sont pas toujours facilement réduites, nécessitent des ostéosynthèses plus étendues, ont des suites plus difficiles.
On dispose aujourd'hui de matériels fiables qui permettent de synthéser à peu près toutes les fractures. Il s'agit de clous centromédullaires à foyer fermé dont le prototype est le clou « Gamma », ou de vis-plaques télescopiques qui ont les mêmes indications et ne sont pas démodées. Les clous centromédullaires peuvent être plus rapides à poser si on dispose d'une équipe entraînée (instrumentiste professionnelle formée à la technique). Ils posent plus de problèmes techniques dans le cas contraire, et ont un peu plus de risque de survenue d'une fracture sous le matériel, en zone diaphysaire. Les matériels centro-médullaires sont surtout utiles pour les fractures sous trochantériennes, car ils limitent efficacement le déplacement secondaire par glissement du col. Certaines fractures trochantéro-diaphysaires à grand déplacement sont difficiles à synthéser avec ces moyens classiques, surtout à foyer fermé. Elles peuvent nécessiter la mise en place d'une vis-plaque trochantérienne de type anatomique.
La chirurgie est pratiquée en décubitus dorsal sur table orthopédique et sous amplificateur de brillance : elle permettra souvent une fixation assez stable pour le lever « immédiat », à 48 heures. L'anesthésie est au mieux loco-régionale (rachis anesthésie). L'anesthésie générale permet de mieux contrôler les fonctions physiologiques, mais perturbe beaucoup les fonctions supérieures en postopératoire.
Faut-il rendre l'appui précocement ? La mise au fauteuil seulement peut être conseillée en cas d'inquiétude sur la stabilité du montage. Le lever sans appui est illusoire chez les patients âgés et se traduit par l'absence de lever. Les matériels actuels permettent l'appui immédiat dans la plupart des cas. La consolidation nécessite habituellement trois mois.
Coxa vara ou absence de déplacement
Les fractures en Coxa valga (Garden I) et les fractures non déplacées (Garden II) sont traitées soit fonctionnellement (lever immédiat), soit plutôt par ostéosynthèse (vissage double percutané dans l'axe du col) afin de lever sans déplacement du foyer. La consolidation est habituellement obtenue en trois mois.
Les fractures plus déplacées, qui s'accompagnent d'une déformation en rotation externe, avec varus (Garden III) ou cisaillement du col (Garden IV) sont mieux traitées chez le sujet âgé par arthroplastie cervico-céphalique scellée d'emblée, car elles sont difficiles a réduire, et consolident aléatoirement.
Les arthroplasties sont faites en décubitus latéral. La rachi anesthésie est encore possible dans ces conditions, mais nécessite plus de coopération de la part du patient. L'abord est habituellement postéro-externe. Les abords antéro-externes ont été crédités d'un risque de luxation un peu moindre, mais mettent en danger le moyen fessier. La technique chirurgicale est le plus simple possible. Ces arthroplasties permettent le lever et l'appui immédiat. Les risques essentiels sont l'infection dans un contexte débilité, et la luxation dans un contexte d'agitation postopératoire fréquent qu'il faut prévenir.
Arthroplastie totale ou prothèse cervico-céphalique ? En fonction du contexte, différentes options peuvent être discutées.
- Chez un « jeune retraité » sans antécédent pathologique lourd, l'arthroplastie totale d'emblée avec cotyle prothétique est licite car les risques ajoutés sont faibles ; le risque de luxation postopératoire est un peu plus élevé ; il faut le prévenir et éduquer le patient. L'autonomie permise sans douleur est supérieure, la survie des implants est importante, on évite la dégénérescence secondaire du cotyle osseux (dite « cotyloïdite ») qui fait reprendre un nombre important d'implants cervico-céphaliques après quelques années.
- Lorsque le cotyle est arthrosique, on pose théoriquement l'indication d'une prothèse totale. En pratique, cela dépend du contexte car on évite cette intervention plus lourde, au risque de luxation plus élevé, chez un patient aux lourds antécédents, surtout lors d'altération des fonctions supérieures ou de trouble neurologique (Parkinson).
- Chez un patient très âgé, la prothèse cervico-céphalique, constituée d'une tige scellée et d'une tête prothétique de grand diamètre remplaçant entièrement la tête fémorale au contact du cotyle ostéo-cartilagineux sans interface, est maintenant l'intervention de choix.
Les implants actuels comprennent une articulation intermédiaire, avec tête prothétique standard de petit diamètre (28 mm) couplée à une cupule au diamètre mesuré de la tête native. Même si cette articulation intermédiaire a tendance à se bloquer en quelques semaines, il y a plusieurs avantages : la reprise en cas de dégénérescence cotyloïdienne est simple, par ablation de la cupule et mise en place d'un cotyle scellé ; les risques de luxation sont faibles.
Certains utilisent les anciennes prothèses « Moore » ou « Thompson » monobloc non scellées de technique plus simple afin de limiter le risque opératoire : une qualité fonctionnelle inférieure fait réserver ces implants peu coûteux à des patients à très haut risque.
Le patient inopérable
Quelquefois, le contexte pathologique peut être si lourd qu'il fait craindre un risque opératoire élevé (patient « inopérable »). Le contexte local également (plaies variqueuses, infection cutanée en cours, escarres déjà constituées...) peut faire reculer. Plutôt que de prendre un risque vital élevé, on peut se poser la question en 2001 de remettre au goût du jour le très ancien traitement « fonctionnel » des fractures du col du fémur, et de lever précocement le patient. La marche sera difficile, laborieuse et initialement douloureuse. L'indolence peut être obtenue en quelques semaines. L'espérance de vie, grevée par la lésion, ne sera en tout cas pas interrompue prématurément par la chirurgie. C'est important.
Les suites opératoires assumées, c'est le problème du traitement social qui est posé. Nombre de patients âgés ne retrouveront pas d'autonomie. La fracture est souvent l'occasion du placement en institution, ou en moyen séjour, et c'est le rôle difficile des assistantes sociales hospitalières que d'organiser le devenir de ces patients dans un contexte de pénurie. Le retour à domicile est souhaitable si possible, assorti d'aides et de soins organisés. Nombre de patients urbains habitent seuls des étages élevés sans ascenseur. Nos séries sont peu comparables aux études nord-américaines, ou les logements sont de plain pied et les véhicules équipés de transmissions automatiques.
Enfin, la fracture consolidée, il faut prévenir si possible la récidive controlatérale... par un traitement à visée anti-ostéoporotique et la prévention des chutes.
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