Les antiviraux ont permis une diminution importante du nombre des maladies opportunistes et des décès dus au SIDA. Cependant, leur efficacité se heurte à plusieurs obstacles : effets secondaires fréquents, adhésion au traitement qui doit être pris en continu et au long cours, résistances.
La restauration du système immunitaire n'est jamais complète, ni l'élimination du virus qui persiste dans des réservoirs, sous une forme latente. Aussi est-on passé « d'une stratégie d'éradication du virus à une stratégie qui consiste à obtenir un équilibre virus-hôte », note le Pr Jean-François Delfraissy (1) (hôpital Bicêtre).
La recherche d'un équilibre virus-hôte
L'idée de stimuler ou de renforcer les défenses immunitaires de l'organisme semble logique. Quelques éléments cliniques viennent à l'appui d'une telle stratégie : par exemple chez des patients longtemps asymptomatiques (3 % des séropositifs qui gardent un chiffre de CD4 > 500/mm3 après dix ans d'infection), la réponse immune CD8 et CD4 anti-VIH est préservée, alors que la réplication virale reste active (charge virale détectable). Ce qui conduit à s'interroger sur l'intérêt d'une immunothérapie capable de reproduire l'équilibre virus-hôte que ces patients ont atteint spontanément. L'immunothérapie envisagée est de deux types : spécifique, par la vaccinothérapie à visée thérapeutique qui stimule la réponse immune contre le VIH ; non spécifique, qui stimule l'ensemble du système immunitaire grâce à un messager, comme l'interleukine 2 (IL2). Trois études pilotes réalisées par l'ANRS chez des patients sous multithérapie antivirale avec ou sans IL2 sont en cours pour des vaccins produits par génie génétique (2). Les résultats sont attendus pour 2002.
L'interleukine 2 pour tous ?
Des essais antérieurs menés par l'ANRS ont montré une augmentation systématique des CD4 sous IL2 d'autant plus forte que le taux de départ n'est pas trop bas. En particulier, l'étude ILSTIM a permis, en France, une ATU (autorisation temporaire d'utilisation) pour des patients ayant une bonne réponse virologique sous multithérapie mais avec des CD4 < 200/mm3 (zone critique où les infections opportunistes sont fréquentes). La question qui se pose dès lors est : « Pourquoi ne pas généraliser l'indication d'IL2 à tous les patients ? » Le problème se traduit en termes de coût/bénéfice pour le patient. Les effets secondaires sont nombreux et fréquents (les plus observés : la fièvre et le syndrome grippal), même s'ils sont maîtrisés par des traitements préventifs et régressent à l'arrêt du traitement. Et on n'est pas sûr qu'un nombre de CD4 largement au-delà de 200 CD4/mm3 apporte aux patients un réel bénéfice clinique. ESPRIT et SILCAAT (voir encadré), deux essais internationaux, randomisés et multicentriques de phase III, vont tenter d'apporter des réponses. Les résultats sont très attendus par les associations, car se profile la possibilité d'une interruption temporaire du traitement antiviral, ce qui ferait baisser la pression de résistance et augmenterait l'adhésion des patients. Selon Serge Le Coz (Actions Traitements, groupe interassociatif), « même quand le traitement fonctionne et que les effets secondaires sont minimes, après plusieurs années, inévitablement une lassitude survient. Et survient d'autant plus qu'on est en pleine forme, intégré dans la société et qu'on travaille ».
42e Rencontre du CRIPS Ile de France , à laquelle participaient les les Prs Michel Kazatchkine (directeur de l'ANRS), Laurence Weiss (hôpital Européen Georges Pompidou), et Jean-François Delfraissy (médecine Interne, hôpital Bicêtre), le Dr Gustavo Gonzales-Canali (hôpital européen Georges-Pompidou) et Serge Le Coz (Actions Traitements, Groupe interassociatif TRT-5).
(1) Coordinateur du groupe d'experts auprès du ministère de la Santé pour le SIDA. Rapport 1999, recommandations du groupe d'experts (Flammarion Médecine/Sciences).
(2) Vacciter (ANRS 094), Vaccil 2 (ANRS 093) et Primovac (ANRS 095).
ESPRIT et SILCAAT
Les essais ESPRIT et SILCAAT visent à savoir si l'administration de l'IL2 associée à un traitement antirétroviral apporte un bénéfice sur l'évolution à long terme de l'infection par le VIH par rapport à un traitement antiviral seul.
La moitié des patients reçoit en plus du traitement antiviral de l'IL2 (en injection sous-cutanée, par cycles de cinq jours toutes les huit semaines).
1) Essai ESPRIT (ANRS 101)
(Evaluation of Subcutaneous Proleukin in a Randomized International Trial). Investigateur coordinateur : Pr Laurence Weiss, hôpital Georges-Pompidou.
- S'adresse à des patients infectés par le VIH qui ont un nombre de CD4 supérieur à 300/mm3.
- 1 400 patients sont prévus, dont 200 en France (72 déjà inclus en France).
- Suivi de quatre à six ans.
2) Essai SILCAAT (hors ANRS)
Investigateur coordinateur : Pr Yves Levy, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
- S'adresse à des patients infectés par le VIH qui ont un nombre de CD4 compris entre 50 et 300/mm3 et une charge virale inférieure à 1 000 copies/ml.
- 1 400 patients sont prévus, dont 100 en France (72 déjà inclus en France).
- Suivi de quatre ans.
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