Les différentes atteintes
Les manifestations cardio-vasculaires concernent aussi bien la macro que la microcirculation, artérielle ou veineuse. Les deux principaux responsables sont la cocaïne et le cannabis. Les mécanismes sont variés et souvent intriqués étant donné la polytoxicomanie et le tabagisme voire l’alcoolisme associés. Par ailleurs, certaines pratiques, comme l’injection intraveineuse ou intra-artérielle, font courir au toxicomane des risques cardiovasculaires dus à une contamination bactérienne ou virale.
L’infarctus du myocarde (IDM) a été décrit dès 1982 ; la cocaïne multiplie par 24 le risque d’IDM chez un sujet à coronaires saines ; il survient dans l’heure qui suit la prise et n’est pas dose dépendant. La douleur thoracique est le signe le plus fréquent. La coronarographie est le plus souvent normale. Les complications sont cependant peu nombreuses étant donné le jeune âge des patients ; aux États-Unis, le diagnostic (infarctus chez un cocaïnomane) est systématiquement évoqué devant une douleur thoracique chez un sujet jeune sans facteur de risque cardiovasculaire.
Le tabagisme et surtout l’alcool augmentent l’effet délétère de la cocaïne sur le myocarde. Cette association cocaïne alcool produit du coca éthylène, potentialisant l’effet toxique de la cocaïne.
Les dysfonctionnements myocardiques peuvent survenir lors d’une intoxication par la cocaïne au long cours ; elle entraîne une hypertrophie ventriculaire gauche et un dysfonctionnement systolique.
Quant au cannabis, outre ses effets neuropsychiques, les effets cardiovasculaires se limitent classiquement à une augmentation de la fréquence cardiaque, à une vasodilatation des vaisseaux sanguins oculaires (yeux rouges).
Les troubles du rythme sont dus essentiellement à la cocaïne. Ils peuvent être de tout type, allant de la simple bradycardie sinusale à la torsade de pointe, en passant par un bloc complet. Leur physiopathologie est mal connue.
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) : la relation entre AVC et cocaïne est moins nette que pour l’infarctus du myocarde. S’il est actuellement reconnu que la cocaïne ne favorise pas les AVC, tout du moins ischémiques, sa responsabilité a été évoquée dans les hémorragies cérébrales et surtout dans le vasospasme qui les accompagne.
L’artérite juvénile : le lien entre le cannabis et la maladie de Buerger était déjà évoqué dès 1960. Il s’agit d’une pathologie posant plus un problème nosologique que diagnostic.
La cocaïne utilisée par voie injectable est également connue pour entraîner des thromboses artérielles (périphériques, mésentériques et rénales) et veineuses.
Plusieurs cas de syndrome de Raynaud ont été rapportés avec la cocaïne et le cannabis. Les nécroses digitales peuvent être observées dans le cadre d’un syndrome de Raynaud lié à la toxicomanie ou après injection intra-artérielle de buprénorphine. Les mécanismes en seraient un vasospasme associé à des thromboses artérielles. Le tableau est souvent catastrophique. Le mésusage des produits de substitution peut aussi aboutir à des thromboses veineuses ou à des lymphœdèmes.
La mort subite : la responsabilité de la prise de cocaïne au long cours est incriminée dans les morts subites des athlètes par le biais de troubles du rythme ou de la conduction, même si les causes de décès chez les athlètes peuvent être multiple : cardiomyopathies congénitales, troubles du rythme, anomalies coronariennes.
Le traitement de ces complications n’est pas spécifique, la solution idéale étant le sevrage qui malheureusement, dans cette classe particulière de patients, peut entraîner des complications graves par mésusage des produits de substitution.
Mécanismes physiopathologiques
Les effets cardiovasculaires de la cocaïne sont une vasoconstriction de la plupart des vaisseaux sanguins avec possibilité de nécrose en particulier au niveau de la cloison nasale chez les usagers réguliers, par augmentation de la production endothéliale d’endothéline et la diminution de production de nitrite d’azote, puissant vasodilatateur. Elle augmente l’agrégation plaquettaire et la formation d’un thrombus. Par ailleurs, elle augmente la fréquence cardiaque, entraîne une hypertension artérielle et une augmentation de la contractilité ventriculaire gauche.
Elle peut être également à l’origine de vascularites qui sont de plus en plus incriminées dans les AVC et les artérites des membres inférieurs. Il s’agit de vascularites à éosinophiles, surtout au niveau cérébral. Elle entraînerait une apoptose au niveau des cellules musculaires lisses des vaisseaux cérébraux.
Conclusion
Si en matière de santé publique, l’alerte est donnée au sujet de l’obésité et du syndrome métabolique, en pleine expansion, les complications cardiovasculaires des toxicomanies ne connaissent pas le même écho. Il s’agit d’une population souvent marginale, difficile à suivre, avouant difficilement leur toxicomanie et dont l’observance est aléatoire. Cependant, étant donné l’augmentation croissante de la consommation de produits illicites, le médecin ne peut les ignorer, car tôt ou tard, il risque d’être confronté à ce type de complications. La liste des facteurs de risque cardiovasculaire est loin d’être close.
Adresses utiles :
http://www.drogues.gouv.fr/comprendre-laddiction/risques/effets-et-dang…
http://www.narcotiquesanonymes.org/
http://cyberpharmacie.free.fr/drogues.htm
Ecoute cannabis : 0 811 91 20 20
Drogues Info Services : 0 800 23 13 13
Références :
1. Vandhuick O, Pistorius MA, Jousse S, et al.Toxicomanie et pathologies cardiovasculaires. J Mal Vasc 2004 ; 29 :243-8.
2. Noel B. Vascular complications of cocaine use. Stroke 2002;33:1747-8.
3. Lange RA, Hillis LD. Cardiovascular complications of cocaine use. N Engl J Med 2001;345 351–8
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