Toxicomanes : les bénéfices sanitaires et économiques de la substitution

Publié le 17/09/2001
Article réservé aux abonnés

De notre envoyée spéciale

Le 5e Colloque international Toxicomanies, Hépatites, SIDA (THS5), qui se tenait la semaine dernière à Grasse, s'est penché sur l'évaluation médico-sociale et économique de la prise en charge des usagers de drogue.

Dans un contexte de substitution, la qualité de la relation avec le pharmacien est extrêmement importante ; un trio patient-médecin-pharmacien se construit pour un vrai partenariat. C'est le constat essentiel qui se dégage des études faites à petite ou grande échelle sur la prise en charge des usagers de drogue.
« En effet, le coefficient de satisfaction n'est pas suffisant pour susciter une retenue dans le traitement », confirme le Pr Philippe-Jean Parquet, qui est à l'initiative de l'observatoire loco-régional du Nord - Pas-de-Calais.
Le codage des médicaments en pharmacie a aussi permis de mieux cerner l'origine et la nature des prescriptions et le profil des patients.
Une étude nationale analyse l'impact sur la vie quotidienne d'une primoprescription de Subutex (buprénorphine haut dosage). Les premiers résultats, à six mois, présentés par les Drs William Löwenstein (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris) et Pierre Lavignasse (Saint-André-de-Seignax) mettent en évidence les bénéfices sanitaires pour les patients :
- réduction significative des consommations, d'héroïne et de cocaïne surtout ;
- réduction nette des conduites à risque (baisse du partage des seringues et du matériel) ;
- chute des dommages liés à l'usage de la drogue (moins d'abcès, d'overdoses, de tentatives de suicide) ;
- doublement des consultations médicales, témoignant du suivi régulier du malade.
L'impact social et l'amélioration en termes d'insertion sont eux aussi non négligeables. Chiffres à l'appui, on note :
- une augmentation de l'activité déclarée, significative d'une meilleure insertion professionnelle, une diminution de l'absentéisme et des retards au travail ;
- une stabilisation des revenus personnels du drogué ;
- un meilleur soutien du conjoint ou partenaire ;
- enfin, le nombre de comparutions et d'interpellations policières baisse, prouvant un changement de comportement du pharmacodépendant.
Si les résultats de ces études sont préliminaires, ils permettent cependant d'évaluer le coût de la toxicomanie pour la société. Il résulte du coût direct des soins, ajouté à la perte de productivité du malade, à la baisse de la valeur de sa vie directement proportionnelle à la longévité, associé enfin au coût de la répression.
Mais il faut savoir que le coût social des drogués est largement inférieur à celui des alcoolodépendants ou des fumeurs : ainsi, le montant des dépenses en médicaments pour un traitement au Subutex pour une personne sur une année s'élève à 15 300 F. Quand on sait qu'une journée de prison coûte 330 F à la communauté, il apparaît plus utile d'agir en amont pour éviter au drogué de se laisser enfermer dans le cercle vicieux, drogue-violence-incarcération.

* Colloque organisé par la Société européenne toxicomanies, hépatites, Sida (SETHS), en partenariat avec les Laboratoires Schering-Plough, Agora FM, le CHG de Grasse, lecCentre hospitalier Henri-Guerin de Pierrefeu, la région PACA.

En prison aussi

1996 marque l'introduction en milieu carcéral, dans un cadre législatif, des traitement substitutifs. Si les équipes soignantes ont tâtonné pour trouver le meilleur protocole, le meilleur moyen de distribution et comment personnaliser les traitements, elles s'accordent pour souligner les résultats en termes de bénéfices. Elles y trouvent en effet un intérêt clinique, une meilleure gestion du temps, où le marchandage laisse la place à un dialogue plus long entre patient et médecin, une façon d'accrocher le détenu à un système de soins et une réduction des risques d'automutilation et de violences. Reste à convaincre tous les soignants des établissements pénitentiaires : si un drogué sur trois obtient un traitement substitutif à l'extérieur, ils sont seulement un sur sept en prison.

Astrid CHARLERY-LABOUCHE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6969